Si vous suivez mon blog ou mon compte twitter, vous devez savoir à quel point j’aime Hiroshima, cette ville aux charmes et facettes innombrables mais sûrement méconnus pour la plupart. Et je peux vous assurer qu’après 9 ans sur place, je ne m’en lasse toujours pas. Je continue sans cesse d’y rencontrer de nouvelles personnes, de nouveaux lieux, de nouvelles choses à faire.
Si d’un point de vue touristique, le tour de la ville en elle-même est assez vite fait, lorsqu’on y vit ou vient y passer un séjour avec un autre objectif : celui de capter l’atmosphère de la ville, ou de rencontrer les gens (que je présente dans cette catégorie), on s’aperçoit rapidement qu’Hiroshima est une ville qui bouge, une ville vibrante et attachante.
Cela peut étonner, mais nombreux sont les visiteurs qui y reviennent chaque année ou qui prolongent leur séjour, parce qu’ils sont tombés amoureux des habitants ou d’un je-ne-sais-quoi difficile à définir. Et je ne parle pas que de mes amis français, mais d’artistes en tournée ou de touristes croisés à Koba, qui sans être tout à fait un gaijin bar, est le lieu, parmi lesquels je fréquente, où l’on croise le plus d’étrangers.
Je vais donc aujourd’hui vous présenter une partie du Hiroshima arty et chic, de jour comme de nuit.
Le Hiroshima « arty »
Yokogawa Art Festival
Je vous ai déjà parlé du quartier de Yokogawa (jour / nuit), un quartier situé au nord d’Hiroshima. C’est un shitamachi (下町), un quartier populaire et rétro situé aux abords d’une gare, et que l’on pourrait qualifier de bobo, voire hipster, sans la connotation négative qu’ont ces mots en France. En effet, dans ce quartier cohabitent une population âgée, qui tient de vieilles échoppes qui n’ont pas changé d’allure depuis les années 50 et une population plus jeune (ou moins), qui s’occupe de galeries d’art, d’ateliers d’artistes, de cafés-bouquinistes, d’épiceries créatives, d’un cinéma d’Art et d’Essai, etc, et qui organise des évènements.
Quelle différence y a-t-il donc avec un quartier bobo ou hipster ? Une réelle cohabitation entre ces différentes populations, et aucune arrogance, ni snobisme. Les vieilles personnes affirment d’ailleurs elles-même que l’ambiance du quartier n’a pas changé.
Et voici un bel exemple de cette cohabitation : le Yokogawa Art Festival ou 横川商店街劇場 (Yokogawa Shōtengai Gekijō : le quartier commerçant de Yokogawa comme scène), avec sa dernière édition, qui avait lieu entre le 22 et 29 septembre et dont le thème était Yokogawa Identity.
Les habitants comme les artistes étaient invités à participer aux projets exposés dans 7 lieux différents du quartier (cafés, épiceries, cinéma, galerie, sanctuaire Shinto) afin de s’interroger sur l’identité de la communauté qui vit là, et le rapport que chacun entretient avec son quartier. (programme complet ici [JP])
Comme nous étions là pour une toute autre raison, nous n’avons pas visité chaque expo, mais voici celles que nous avons vues :
Au café-libraire-bouquiniste 本と自由 (Hon to jiyū : Livre et Liberté), un lieu que j’adore, les habitants avaient apporté leur livre préféré, et glissé un marque-page (réalisé en gravure à l’eau-forte dans un atelier d’artiste) dans lequel ils se présentaient brièvement. Une prof de philo avait par exemple laissé un bouquin sur Platon. Il y avait même un livre en français, choisi par un francophile. D’ailleurs, la fille qui nous a accueilli parlait un peu la langue de Molière.
Le 駱駝カフェ (Rakuda Café) est un café-épicerie à la déco élégante (qui vend plein de petites choses intéressantes comme de la confiture de konbu, etc) et situé dans une vieille nagaya (長屋) de 2 étages, aux escaliers raides et étroits. A l’étage, les habitants avaient exposé leurs pochettes de vinyles les plus originales, ou celles qui leur tenaient le plus à cœur. Et on pouvait les écouter sur une petite platine.
À la galerie 横川創苑 (Yokogawa Sōen), galerie gérée par une association à but non lucratif, se tenait une expo sur l’empreinte et la gravure nommée « みんなでアーティスト tous artistes ». Des hanko (判子 : tampons avec lesquels sont signés les estampes ou les documents officiels) confectionnés dans un atelier par les habitants, étaient mis en exposition. Sur les murs étaient accrochées d’autres œuvres, créées par des artistes ou des habitants, toujours sur le thème de l’empreinte.
Celle de Katsuji Ochida (落田 克二, né en 1946) nous a fait sourire. Cet artiste sculpteur et graveur (xylopgraphie, chalcographie, etc) est obsédé par KFC. Le squelette humain en os d’ailes de poulet frit, c’était lui ! Cette fois-ci, il a réalisé un portrait ultra réaliste du Colonel Sanders avec du gras de nuggets ! Tel un Saint-Suaire dédié à son idole.
Enfin, on est allé faire un tour au café-galerie かもめのばぁばぁ (Kamome no baba) où Yasuo Fujimoto (藤本泰男), vieux peintre acrylique et aquarelle, exposait ses dessins de fruits, légumes et poissons agrémentés de calligraphie. La patronne était très contente de recevoir 3 Français, puisque notre langue est enseignée une fois par semaine dans sa galerie. Le peintre était très sympathique. On a pu avoir une discussion très agréable avec lui.
Un autre quartier assez similaire, à Hiroshima : Osuga, j’en parle ici.
Soirée au magasin de lunettes WILDE
Wilde (www.wildesunglasses.com) est une marque de lunettes fabriquées artisanalement à Barcelone et dont on ne trouve des boutiques uniquement à Medellín (Colombie), Barcelone et… Hiroshima. Dans ma rue.
Tous les mois, ils organisent une petite soirée, avec un stand de nourriture et de boissons, tenu par Yoshi Asada a.k.a Carlos du collectif SUnDAYS, quelques dj’s, un private closet et une make up artist.
Si son surnom espagnol et sa grosse barbe pourraient en faire douter, Carlos est pourtant bien japonais. Il a vécu quelques années à Barcelone, comme le patron de la boutique WILDE. Avec son collectif SUnDAYS, 5 créateurs, organisateurs d’évènements en tout genre, ils ne sont jamais à court d’idées : concerts, expos, magasins et bars éphémères, marchés, tournées d’artistes (comme The Johnny Freelance Experience), etc. Et bien que basés sur Hiroshima, ils sont aussi très actifs sur Tokyo.
Carlos est lui même spécialisé dans le catering (ou le service traiteur), mais ses acolytes ont aussi leurs activités individuelles : créateur de sacs en cuir recyclé, etc…
Ce soir, il avait préparé un curry et plein d’autres délicieuses gourmandises : tartines de purée de pomme de terre et porc espagnol nourrit aux châtaignes nappé de moutarde au marrons, champignons rôtis au fromage frais, etc. Côté vin, il ne proposait que des productions japonaises. Si le vin blanc (et trouble) n’était pas mauvais, même plutôt bon, j’ai eu plus de mal avec le rouge, qui, comme il me l’a concédé, est encore trop jeune au Japon. « La Florette Sumire Rouge » (de la région de Yamanashi) est le seul que j’ai vaguement apprécié, mais c’est peut-être plus un vin de repas.
La maquilleuse proposait de vous peindre les lèvres, pour ensuite réaliser quelques clichés avec une paire de lunettes de votre choix. Les empreintes de lèvres étaient ensuite récupérées pour créer des visuels de T-shirts.
D’autres personnes et lieux sur le thème « Hiroshima underground et arty » :
- Goto Izumi et son immeuble Organza (café-concert, spectacles burlesques, salle d’expo, etc)
- Suiko, graffeur et propriétaire du Shop Dimlight
- Ayumi et Satoshi et Ondo Ongaku Shokudo, leur club-café-concert situé au sous-sol d’un sentō (bain public) et d’une laverie automatique.
Évènements culturels à Hiroshima
De nombreux festivals internationaux sont également organisés à dans la ville : Le Hiroshima International Animation Festival (qui a lieu tous les 2 ans) et le Hiroshima International Film Festival (11, 12, 13 novembre 2016), notamment.
Le Hiroshima « chic »
Pour illustrer cette facette d’Hiroshima, je vais vous présenter 2 lieux appartenant à une société au nom plutôt provocateur : Commercial Art (ou 商業藝術 shōgyō geijutsu en japonais). Ils possèdent actuellement 79 établissements situés principalement à Tokyo et Hiroshima (mais aussi à Osaka, Kyoto, Fukuoka,…).
Ce que j’apprécie dans leur démarche : une exigence absolue au niveau du design intérieur, le refus de faire de la publicité pour leurs établissements (du moins pour les 2 que je vais présenter), un matériel de musique high-tech, et une liberté de choix musicaux affranchi des modes actuelles.
Eight et Super Supperclub ne rapporteront jamais autant que les sommes astronomiques investies dans leur architecture intérieure. Évidemment, avec 79 établissements, ils peuvent maintenant se le permettre. Mais tous les businessmans ne feraient pas ce choix, et le nom de leur société « Commercial Art » dévoile ainsi toute son ironie.
500¥ de charge à l’entrée du 1er, 10% de la note à la sortie du 2ème et les prix des consommations sont également plus que raisonnables. Certains de mes amis connaissent bien le patron : un homme apparemment simple et timide, que l’on voit parfois passer des disques à Eight. Ils m’affirment tous qu’il fait ça clairement pour le plaisir, réaliser un rêve et donner une belle image à sa ville d’origine.
Eight
C’est un lounge (café, bar, restaurant) super cosy et à la déco classe et raffinée, construit dans un ancien cinéma. Aucune enseigne n’indique le lieu à l’extérieur. Il faut emprunter un ascenseur et monter au 6ème étage.
A l’accueil, on se voit un remettre un bracelet électronique qui sert à payer ses consommations. Quand il y de l’attente, on reçoit un petit bippeur qui sonne quand vos consommations sont prêtes.
On entre par un long corridor bordé de petites alcôves, puis un escalier en colimaçon vous mène au comptoir et coin restau. La salle principale est en très haute de plafond. On peut s’asseoir aux tables ou bien se prélasser sur d’immenses canapés-lits surmontés de tables basses.
Au centre se trouve l’immense cabine de dj avec son impressionnante collection de vinyles et son matos analogue et high-tech. Les dj’s passent souvent de la pop et de la Soul japonaise des années 60-80.
Au fond se trouve une sorte de petit boudoir plus intime, aux tons rouges et pourpres. Au milieu des poufs, tables hautes et basses et chandeliers, trône un piano Fender Rhodes. C’est le seul espace fumeur du club.
(Mes pauvres photos d’iPhone ne rendent pas tellement justice au lieu. Peut-être préférerez-vous celles de GetHiroshima, ici.)
Alors, soyons honnête, ce n’est pas l’endroit que je choisirais pour passer une soirée inoubliable ni pour faire des rencontres improbables. Je préfère dans ce cas un bon vieux boui-boui des familles avec le graillon qui coule sur les murs. L’accueil à Eight est assez impersonnel, pas d’ambiance particulière, un public plutôt lambda. Mais pour une petite halte relaxante dans un décor classieux, pour la joie des yeux, et des oreilles, si vous aimez ce genre de musique, c’est tout à fait recommandé !
Ouvert de 17h à 5h – principalement non-fumeur.
Super Supperclub
C’est un peu le même concept que Eight, mais en plus luxueux encore. Il a ouvert cet été, et si tout le monde a avoué être impressionné par le décor, personne ne semblait très emballé par la musique. On a été y faire un tour le week-end dernier avec Kotoe.
Si les couleurs qui caractérisent Eight sont le blanc, le mauve, le rouge et le rose, au Super Supperclub, c’est le noir et l’or cuivré avec des accents violets, et une multitude de miroirs qui vous déboussolent complètement. L’éclairage est aussi beaucoup plus tamisé.
On est d’abord accueilli dans un décor de vieille bibliothèque anglaise très obscure, avec haut plafond et grandes échelles, simplement éclairée d’une de ces typiques lampes vertes de bureau. Ici pas de bracelet, mais un badge électronique au logo du club.
Un garçon vous ouvre la porte de l’impressionnant corridor. Là, encore les nombreux miroirs (sol, murs, plafond) créent une impression d’infini qui donne le vertige.
Comme le mot « supper » l’indique, le côté restauration est beaucoup plus mis en avant ici qu’à Eight. C’est d’ailleurs par les cuisines qu’on entre.
Il était tard, mais la carte faisait envie, et je me suis laissée tentée par une salade césar au kale (oui, vous savez, le chou qui faisait le buzz chez les végans-crudivores-gluten-free y a 2 ans). C’était tout simple mais la sauce était délicieuse (c’est en général ce qui pêche dans les salades au Japon) et les portions généreuses.
Le club dispose de plein de petits recoins mais il consiste principalement en 3 grandes salles :
Dans la salle centrale, la plus sombre, on peut choisir de s’asseoir aux tables hautes ou de s’affaler sur les canapés et gros coussins moelleux, comme à Eight, version noire. Niveau déco : des boules à facette, des branches et des animaux empaillés en tout genre : cerfs, paresseux, oiseaux…
On s’est installé sur le canapés et avons commandé une bouteille de vin blanc à 2500¥ (verre à 450¥). Pas de chance, malgré le choix immense, on a fait celui d’un chilien vraiment pas terrible.
C’est aussi dans cette salle que se trouvent les platines DJ et VJ. Les clips (ou les pochettes de disques) sont projetées sur un grand écran et au pied des canapés.
Et niveau musique ? Je m’attendais à un cauchemar de dance super cheesy ou de R’nB bling-bling comme au Club G, mais rien de tout de ça. C’est plus mainstream qu’à Eight, mais ça reste pointu : Pop Indie Rock (Alabama Shakes, ce genre de choses) / Black Music (Classic Soul, Roots Reggae, etc).
Au fond, on trouve une salle aux tons chauds cuivrés, un peu plus lumineuse.
Et enfin, de l’autre côté de la cuisine et du bar, une salle plus chaleureuse et rustique, avec un feu de bois qui crépite au milieu.
Enfin, encore 2 espaces qui valent le détour : le coin fumeur et les toilettes femmes, auxquels on accède aussi par des dédales de miroirs. Avec l’obscurité et les reflets on perd un peu le sens de l’orientation, du coup je déconseillerais d’y aller… super super bourré.
Verdict : comme je n’y suis allée qu’une fois, j’aurais plus de mal à me prononcer, mais je pense que c’est un peu comme Eight. On se fait plaisir dans un endroit luxueux mais abordable, sans s’en attendre plus. On pense cependant y retourner pour y dîner avec Kotoe.
Ouvert de 17h à 5h (3h le dimanche) – non-fumeur (coin fumeur)
Si Hiroshima est une petite ville à l’échelle du Japon (1,2 millions d’habitants tout de même), j’apprécie la richesse de choix de lieux et d’ambiances, de tribus, de petites fêtes et d’évènements culturels, qui font, comme je vous le disais au début, que je ne me lasse pas de cette ville. J’aime également le côté chaleureux et accessible, sans chichi, des gens d’ici, quelque soit le milieu. Au final, tant qu’on partage des centres d’intérêt, la nationalité n’est pas un souci pour se faire des potes.
Et si vous souhaitez une visite guidée nocturne d’Hiroshima, vous pouvez cliquer ici !
Les Adresses :
Hon to Jiyū (café bouquiniste et disques) : 3 Chome-4-14 Yokogawa-chō, Nishi-ku Hiroshima
Rakuda Café (et épicerie) : 3 Chome-4-13 Yokogawa-chō, Nishi-ku, Hiroshima
Yokogawa Sōen (galerie) : 3 Chome-11-12 Yokogawa-chō, Nishi-ku, Hiroshima
Kamome no baba (café galerie) : 1 Chome-5-23 Yokogawa-chō, Nishi-ku, Hiroshima
Wilde Sunglasses (fermée depuis, pour devenir un magasin ambulant en camion) : 101 Jiro Bldg, 1-12 Fukuromachi, Naka-ku, Hiroshima
Eight : Shintenchi Leasure Bldg 6F, 1-9 Shintenchi, Naka-ku, Hiroshima
Super Supperclub : Hiroshima Teigeki Kaikan 2F, 1-20 Shintenchi, Naka-ku, Hiroshima
Ronan
octobre 14, 2016
Yokogawa, incontournable! ^^ J’adore cet endroit. Et le Eight, souvenirs souvenirs .. mais j’avais trop bu avant .. la prochaine fois qu’on sort faut que je me souviens qu’avec toi on fait pas un ou deux endroits dans la soirée, mais plutôt quatre ^^
Judith Cotelle
octobre 14, 2016
Haha, au début dans les photos de Eight j’avais laissé une photo avec toi et en bas en légende « cherchez le Tanukitsuneko » mais au final elle était trop sombre.
Et ouai, à Hiroshima on fait le « hashigo » ou rien ! on est pas des petits joueurs 😉
Julie
octobre 14, 2016
Je pars en au Japon en février pour un an et je me demandais où j’allais aller. Tokyo était une évidence mais tu viens de me convaincre pour Hiroshima après cet article (même si les autres étaient supers hein !). Ça à l’air tellement doux, cosy et funky cette ville <3
En tout cas ton blog est vraiment génial ^^
Judith Cotelle
octobre 15, 2016
Merci beaucoup pour ton commentaire !
Ca me fait vraiment plaisir quand je m’aperçois que j’ai réussi un peu à rendre compte de « l’âme » de cette ville et que ça plaît !