Je ne pouvais pas me permettre de passer un séjour de 3 semaines au Japon sans faire un tour par la capitale, Tokyo. J’ai donc prévu d’y passer 2 jours et de rejoindre un « ami » MySpace : Gentaro, qui pourrait en plus m’héberger. Entre temps, j’avais aussi fait la connaissance d’Hiroaki, le petit frère de Naoki, lors d’un de ses retours sur Hiroshima.
Bref, le 21 au matin, j’embarque seule dans le shinkansen vers cette contrée inconnue et si excitante rien que par le nom. Mais je dois avouer que j’ai un petit pincement au cœur à l’idée de me séparer de tous les potes d’Hiroshima et une certaine appréhension… Je n’ai rien préparé, je n’ai même pas de plan de la ville, ni la moindre idée de ce que je ferai sur place, mais Phred m’a assuré qu’il suffirait de sortir à la gare de Shibuya et qu’à partir de là tout se ferait tranquille…
J’erre un peu dans les rues, et me sens vite perdue, après plus de 2 semaines passées dans une ville à taille humaine où tout me semble déjà si familier, où j’ai déjà tellement de repères. Il y a l’envie d’être super excitée à l’idée d’être à Tokyo, mais comme quelque chose qui ne suit pas en moi…
Je marche, je marche, sans savoir où je vais ni où je suis (j’avoue que c’est un peu la lose, mais c’est ma faute, j’ai rien planifié). Je parcours de grandes avenues interminables, sans âme et sans ombre, quand soudain je finis par tomber sur un petit quartier résidentiel. Il n’y a rien de spécial à y voir, mais je ressens comme une sorte d’apaisement.
Tout le long de mes pérégrinations, un son répétitif et électronique, que je n’arrive pas à identifier, semble m’accompagner. J’avoue que ça m’obsède, mais aucune idée d’où peut bien venir ce foutu son. Je finis par trouver un petit square. Je suis à bout et je n’ai aucune idée de l’endroit où je me trouve, mais trempée de sueur et assoiffée, je décide de m’asseoir sur un banc. J’ouvre la bouteille de Pokari Sweat que je viens d’acheter au distributeur, et m’allume une Seven Star. Et là, j’entends à nouveau ce son électronique, acide, comme tout droit sorti d’une TB303. Ça semble venir de tout près. C’est vraiment tout près, comme si ça sortait de l’arbre. Je m’approche. Je cherche la petite machine. Et là… je découvre que ce son vient d’un insecte. D’une cigale… PUTAIN DEPUIS LE DÉBUT C’ÉTAIT LES CIGALES ! C’ÉTAIT UN TRUC VIVANT QUI PRODUISAIT CE SON ET PAS UNE MACHINE !! Oui, il y a pourtant aussi des cigales à Hiroshima, mais je n’avais encore jamais eu l’occasion d’entendre cette espèce-là. C’était une cigale Minminzemi, effectivement rare dans la région d’Hiroshima. Si vous voulez vous faire une idée de son chant, cliquez sur la vidéo.
Au milieu de l’après-midi, je m’aperçois que mon keitai arrive à court de batterie, et c’est la panique : je dois joindre Gentaro en début de soirée ou alors je risque de me retrouver à la rue pour la nuit.
Je décide de me diriger vers un petit café de Shibuya où ils auront forcément des prises. J’entre, commande un café latte, déjà soulagée d’avoir trouvé une solution à mon problème, et demande à la serveuse où je peux brancher mon chargeur, comme je l’ai déjà fait tant de fois dans les cafés d’Hiroshima. Mais là.. stupeur : la serveuse met ses bras en croix, de manière hostile. Je n’avais encore jamais expérimenté ça. Non, désolé mais ça va pas être possible. Et là, J’pète les plombs, putain j’pète les plombs ♫… Je commence à perdre un peu la foi en ce séjour à Tokyo, regrette d’être parti de ce petit nid douillet qu’était Hiroshima.
Je repars arpenter les rues et me fais aborder par 2 grands blacks. Ne perdant pas le nord, je leur demande si je peux recharger mon téléphone dans le magasin dans lequel ils tentent de me faire entrer. Ils sont morts de rire et me montrent les prises qu’on peut trouver n’importe où dans la rue. Je passe une demi heure assise sur le trottoir, près d’une prise à attendre que mon keitai recharge. J’ai sûrement l’air d’une clocharde mais j’en ai plus rien à foutre, je suis tellement sereine…
Je repars du bon pied, vais boire un petit verre sur une terrasse en attendant l’heure convenue pour appeler Gentaro. A l’époque, mon anglais est vraiment minable, donc l’idée du coup de fil me stresse un peu. Je compose le numéro et quand ça décroche, je m’aperçois que les rues de Shibuya sont tellement bruyantes que c’est impossible d’entendre quoi que ce soit. Je raccroche, et essais de trouver un coin calme à l’abri des décibels pour le rappeler.
On finit par réussir à communiquer et Gentaro vient me chercher à la station de métro. C’est le gros soulagement. Être enfin prise en main, ne plus rien avoir à gérer. (je vous rassure, je suis devenue un peu plus débrouillarde depuis). C’est un garçon un peu foufou, on accroche tout de suite.
On fait un très long trajet en métro et il m’emmène dans son quartier, dans le Koto-ku, où nous allons d’abord manger quelques yakitori et boire un peu de saké (je n’ai bu que du shochu à Hiroshima). La serveuse est un peu revêche, mais on sent bien que c’est une sorte de rôle. Gentaro m’explique qu’il aime bien ça. Je trouve ça moi aussi amusant.
Il me fait ensuite visiter le sanctuaire Tomioka Hachiman, (富岡八幡宮) situé tout près de chez lui, où sa petite amie, Miki, nous rejoint.
Après ça, nous allons nous poser un peu chez lui. Il il me fait visiter son atelier de céramique et me montre sa collection de planches de skate. Je découvre qu’il n’y a pas de salle de bain dans son appartement. Il se rend au sento (bain public du quartier) tous les jours. Ça me paraît incroyable, tellement archaïque, moi qui avais toujours imaginé Tokyo comme une ville robotique du futur avec des voitures volantes… Il m’explique qu’il n’a pas les moyens de se payer un appartement plus confortable.
On passe ensuite rendre visite à une des ses amies skateuses : Roku, qui me prête des chaussettes, les miennes baignant dans la sueur, et buvons quelques chu-hi, ma nouvelle boisson préférée. (Et après y a des gens qui ont vécu 20 ans ici qui vont te dire qu’au Japon, non, on n’est JAMAIS invité chez les gens…).
Puis Hiroaki, qui vient de sortir du boulot, finit par nous rejoindre, dans un petit bar à vin du quartier, tenu par des filles bien sympathiques et rigolotes.
Après quelques verres et un petit passage au conbini pour le ravitaillement, nous allons tous les 3 finir chez Gentaro, et comme je m’écroule la 1ère, j’ai droit aux coloriages au marqueur… (je m’en sors pas trop mal, j’ai déjà vu des gens se réveiller avec la tête entièrement noire). Ils laissent aussi une collection de selfies de « merguez japonaises » (oui, oui, leurs chinchin) sur la pellicule de mon appareil photo, que je découvre le lendemain matin dans le métro, sous le regard hilare de Gentaro…
Le lendemain midi, après un réveil difficile, Gentaro m’emmène déjeuner chez des amis : un couple d’architectes super sympas, qui en plus parlent assez bien anglais. Ils vivent dans un appartement immense et luxueux, avec vue sur la Tokyo Tower. Je découvre avec stupéfaction qu’au Japon, lorsqu’on est attendu chez quelqu’un, on n’est pas obligé de frapper ou sonner à la porte et attendre qu’on nous ouvre, mais qu’on peut rentrer directement comme ça.
Je passe un moment super agréable, mais je suis plus que contente de remonter dans le shinkansen pour rentrer à Hiroshima.
Depuis, j’ai bien dû retourner une bonne douzaine de fois à Tokyo, reçue par des locaux ou accompagnée d’amis y ayant vécu longtemps, et cette ville fait maintenant partie de mon top 3 avec Barcelone et Istanbul. Vous trouverez d’ailleurs quelques articles consacrés à mes escapades dans la capitale, ici sur mon ancien blog.
C’est une ville tellement immense et variée qu’un seul séjour ne suffit pas à en capter l’essence. Il m’a fallu plusieurs visites pour m’en imprégner, en saisir le charme. Selon moi c’est plus une ville qu’il faut vivre, qu’une ville où faire du pur tourisme.
Avec Gentaro, on est resté en contact un moment, on s’est même revu sur Marseille et sur Paris, puis le temps passant…
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