On continue aujourd’hui cette série d’articles sur la randonnée au Japon avec le Mont Shirakiyama (白木山), situé à seulement 25km du centre d’Hiroshima !
Comme je l’expliquais précédemment, lorsqu’on prépare un voyage au Japon, on pense souvent aux grandes villes, aux temples et aux sanctuaires. Mais la marche ou le trekking sont aussi d’excellents moyens d’explorer l’archipel, loin des foules et des clichés. En effet, le Japon regorge de chemins de randonnées aux paysages d’une beauté exceptionnelle. Arpenter les sentiers de forêts primaires ou de montagnes à l’aura quasi mystique, vous laissera sans aucun doute des souvenirs impérissables et plus intimes du pays. Certains de ces sentiers sont très célèbres, mais d’autres quasi méconnus. Et c’est le cas du Mont Shirakiyama.
Si vous avez loupé l’épisode précédent, je parlais des gorges de Sandankyo.
Niveau : Pour les personnes en formes ou les randonneurs aguerris
Dénivelé : Pentes assez raides tout le long, quasiment pas de plat
Longueur du circuit : Aller-retour entre la gare de Shirakiyama et le sommet : 7,2km (11 km jusqu’à la gare de Kamifukawa)
Temps : entre 3h30 et 4h (environ 5h pour le 2e circuit)
Sentiers : marches en bois parfois rudimentaires, terre, pierres
Équipement à prévoir : chaussures de marche*, bâtons*, vêtements chauds pour le sommet (* si possible)
Altitude: 889m
Restauration : non
Toilettes : non
Faune : ours, sangliers, singes sauvages
Accès : voiture ou train JR (Geibi Line, Quai 9, environ 40 min, 420¥ / Retour depuis Kamifukawa, 30 min, 330¥)
Le Mont Shirakiyama (aussi appelé Mont Shiraki)
Alors, autant à Sandankyo, on gambadait gaiement en doublant tout le monde. Et même pas mal le lendemain ! Autant sur le Mont Shirakiyama… on en a chi bavé !
Mes courbatures les 5 jours suivants étaient atroces. En se renseignant un peu plus, on a appris que c’était le chemin de randonnée le plus dur de la préfecture d’Hiroshima, et qu’il servait de lieu d’entrainement pour les durs à cuir préparant des compétitions ou des trekkings un peu balèzes.
Malgré tout, je vous assure qu’on n’a pas du tout regretté la promenade ! Et on était sacrément fier de nous une fois arrivés au sommet.
Mais je préfère tout de même vous prévenir que si vous n’êtes pas en bonne condition physique, cette randonnée est plutôt à éviter. De même, je déconseillerais fortement si vous êtes accompagnés d’enfants en bas à âge ou d’ados chiants (:D). Dans ce cas-là, mieux vaut vous rabattre sur les gorges de Sandankyo ou Mitaki par exemple.
De la gare au début du chemin de randonnée
On ne savait pas encore du tout ce qui nous attendait, donc on était encore tout guilleret et pimpant. « Oh ! les jolies petites fleurs d’automne ! » (pauvres naïfs que nous étions…)
Juste un peu inquiets parce que la plupart des autres randonneurs qu’on croisait sur la route étaient équipés de clochettes pour éloigner les ours…
Sur les sentiers de randonnée au Japon, vous remarquerez souvent des statuettes en pierre ou des pancartes en bois portant les inscriptions suivantes : 1合目 ou 一合目 (ichi gō me), 2合目 ou 二合目 (ni gō me), etc.
Ces repères sont toujours au nombre de 9 (où 0 = le point de départ et 10 = le sommet) mais ils n’indiquent pas une distance fixe et ne sont pas non plus équidistants ! Σ(oдΟ;)
Au niveau des origines, les théories sont trop nombreuses pour que je vous les présente ici. Mais les sentiers de montagne sont souvent d’anciens chemins de pèlerinage ou de pratique ascétique bouddhiste, et il semblerait que ces repères servent entre autres à encourager les marcheurs en leur donnant un sentiment de progression.
Du point de départ à la première borne (一合目)
Alors, on est mis dans l’ambiance dès le départ. Pas de petite mise en jambe ou de progression sympa. Non, le parcours démarre immédiatement par une série d’escaliers en bois ultra raides. Puis on enchaîne après ça sur un chemin de terre glaise et de pierres qui monte à pic et nécessite de grandes enjambées.
Je crois qu’au bout de 20 min j’avais déjà envie de pleurer et me suis dit que je n’y arriverais jamais. J’étais essoufflée comme un vieux Dark Vador asmathique et j’avais l’impression que mon cœur allait lâcher. On transpirait tous les deux comme des porcs (bien qu’on soit déjà début octobre) et on a eu besoin de faire des pauses tous les 30m. On s’est vite inquiété du fait qu’on descendait notre stock d’eau bien plus rapidement qu’on ne l’avait prévu.
De la 1ère à la 5e borne
Alors, ce qui nous a étonné, c’est qu’on ne croisait quasiment que des randonneurs de 70∼80 ans, vaillants, le sourire, en pleine forme… Des petits groupes parfois, mais surtout des hommes ou des femmes seuls. Sûrement des gens du coin qui font ça tous les week-ends, voire tous les jours, et qui vont vivre jusqu’à 120 ans.
Ils étaient tous super équipés, marchaient avec des bâtons, et nous on a bien regretté de ne pas avoir encore reçu ceux qu’on avait commandés.
Un peu avant la 5e borne (五合目), on a commencé à reprendre un peu courage, avec ces chemins un peu plus « accueillants ». Oui, sur la photo on dirait du plat, mais c’est un peu plus pentu que ça en a l’air et surtout, ça dure pas longtemps. Toujours est-il qu’après ces grosses pierres à grimper, c’était déjà super agréable.
Bon, comme ça, je donne un peu l’impression que c’est ce que de la souffrance, mais je vous assure que le décor et les paysages en valaient la chandelle !
Premier vrai chemin plat juste avant l’enfer
Là, on a enfin atteint un petit coin de paradis. Un chemin vraiment plat. Je vous avoue qu’on a presque pleuré de joie. Et on a chacun osé avouer à l’autre qu’on en avait vraiment chié jusque-là.
Ce qu’on ne savait pas, c’est que le pire passage nous attendait juste après.
Sur le chemin du retour, on a croisé un jeune couple l’air dépité qui nous a demandé si c’était encore comme ça pendant longtemps. Je suis pas sûre que le Gracieux les ait vraiment rassurés « Ah, vous êtes plus très loin du sommet, par contre c’est encore l’enfer sur quelques centaines de mètres là, ganbatte ne ! »
Mais ce chemin était trop beau pour durer. Voilà donc ce qui nous attendait après, comme le Gracieux l’avait expliqué aux deux jeunes tourtereaux.
Heureusement, on a eu droit à un peu de divertissement.
Un premier animal, qu’on n’a pas pu voir, a dévalé la pente sur notre gauche en défonçant tous les arbres sur son chemin et en faisant un boucan d’enfer. On a supposé que c’était un sanglier.
Moi j’avais grave les chocottes là pour être honnête. J’ai demandé au Gracieux de la fermer pour qu’on ne se fasse pas repérer mais il m’a rappelé qu’au contraire, c’était plus judicieux de signaler sa présence pour effrayer la bête. Ah oui « LA LAAA LAA LA LAAAAA 🎶 »
Et puis 10 minutes plus tard, nouveau bruit sur la gauche, et là ! Un gros singe gris à cul rouge, avec une belle fourrure toute fluffy ! Whoaa ! Là, on a grave repris des forces ! Comme si on avait gagné des points. On était tout excité !!
Dernière ligne droite avant le sommet
Vous pouvez pas imaginer à quel point ce petit chat noir qui dit « encore un tout petit peu avant le sommet ! » nous a donné du réconfort. 9合目!!9ème borne ! La dernière avant le sommet ! Et les petits vieux qu’on croisait et qui redescendaient nous encourageaient aussi.
On est d’accord qu’y a une sorte de gros laisser-aller au niveau des statuettes, non ? Genre comme si avec la fatigue on allait rien remarquer…
Le sommet du mont Shirakiyama
Ce sentiment de victoire et d’accomplissement en arrivant enfin au sommet ! On visualise soudain mieux toutes ces métaphores business des maso à cravate sur Linkedin…
Bien qu’on ait fait l’ascension en t-shirts et en suant tout le long comme des porcelets, on a dû se couvrir immédiatement tellement il faisait froid. Donc prévoyez ! (si vous avez toujours le courage de tenter l’ascension après mon récit).
On se sent immédiatement récompensé par la vue à 360° sur les monts de la région.
C’est bonne ambiance au sommet, ça pique-nique, ça campe, ça ouvre des bières.
Je ne suis pas une grande amatrice de bento en général, mais ceux de la chaîne locale Musashi (むさし) sont vraiment pas mal ! Les omusubi surtout ! Le riz n’est ni sec, ni fade, ni compact comme dans ces affreux onigiri bourrés de produits chimiques qu’on trouve dans les conbini. (Je sens que je vais me faire plein d’ennemis en lâchant cette bombe, mais il faut savoir rester honnête et fidèle à ses convictions parfois…ヽ(#`Д´#)ノ).
Les gens d’Hiroshima sont très fiers de ces bento et aiment les faire goûter aux visiteurs des autres régions, et on trouve des boutiques un peu partout dans la ville, alors pensez-y avant une balade dans le coin !
Par contre, souvenir douloureux cette fois-ci (・_・、). Juste au moment où j’allais attraper la petite saucisse du bento (oui, y en avait une seule et je la visais depuis un moment), un couple de seniors japonais sont venus nous demander de les prendre en photo devant la pancarte du sommet. Évidemment, avec mon appareil photo pendu autour cou, ils se sont précipités sur moi, et quand je suis revenue de ma mission, le Gracieux l’avait fourbement subtilisée (×_×)。。。
La descente
Pendant la montée, je me suis demandé si c’était pas de la terre glaise qu’on trouvait dans certains endroits et le Gracieux m’a répondu que c’était bien possible vu que ça avait l’air « bougnou-bougnou » (ぶにゅぶにゅ)
pardon… Bougnou-bougnou ? Σ(☉ω☉ノ)ノ
Je me lasserai jamais des onomatopées japonaises ! (Celle-ci décrit la consistance de la terre glaise, comme vous l’aviez surement deviné).
Bilan
Alors oui on a souffert mais on était content de nous. Puis savoir qu’on peut se retrouver perdu en pleine montagne à moins de 30 minutes de chez nous, c’était une belle découverte.
Je vous rappelle qu’on se préparait aussi à notre ascension du Mont Daisen, et lire dans divers blogs que celle du Mont Shirakiyama était plus dure que celle du Mont Daisen, ça nous a vraiment rassuré !
Précision : On a fait un aller-retour plutôt que le tour complet parce que notre voiture était garée côté gare de Shirakiyama, et on avait un peu la flemme de reprendre le train si on descendait côté Kamifukawa, sachant en plus que les trains ne doivent pas passer toutes les 5 minutes. Mais si vous venez en train, autant en profiter et faire le circuit complet !
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Fanny
janvier 25, 2023
Bonjour, merci pour cet article, c’est génial ça donne envie! #maso :))
Le sentier est-il bien indiqué? Auriez-vous une idée de l’endroit où je pourrais trouver une carte du parcours?
Merci beaucoup !!
Judith Cotelle
janvier 27, 2023
Bonjour, merci pour votre commentaire !
Oui, le sentier est bien indiqué. Il y a des panneaux indiquant 2 directions au seul endroit où les chemins se séparent pour continuer vers le sommet du mont Kamui ou vers un autre sentier.
Je ne pense pas qu’une carte soit nécessaire, il suffit de suivre le chemin.
Judith Cotelle
janvier 27, 2023
Ah pardon ! J’ai cru que c’était un commentaire sous l’article du Mont Mashu. Il me semble qu’ici aussi il suffisait de suivre le chemin sans risque de se tromper. Pour les cartes je ne sais pas trop malheureusement.