Etajima (江田島), une île au cœur de la baie d’Hiroshima
Etajima est un petit coin de paradis situé à seulement 30∼40 min en ferry du port d’Hiroshima.
C’est une île réputée localement pour ses pistes cyclables, mais également pour sa culture des huîtres, des mikan et des olives. Ça sent le farniente et la vie où rien ne sert de se presser.
Mais Etajima, on s’y rend surtout pour profiter des jolies plages presque désertes ou des superbes résidences secondaires. L’eau y est limpide, et les doigts de pieds dans l’eau, on se délecte de la vue sur les myriades d’îles, typique de la mer intérieure de Seto (ou Setonaikai).
C’est aussi là-bas que se déroule chaque année la « Full Moon Party » (depuis renommée « Aura »), une « rave » à laquelle j’avais participé en 2015 en tant que DJ. (→ voir les autres articles concernant Etajima)
Un camp à la mer pour les vacances d’O-bon
Impossible de passer des vacances d’O-bon (du 11 au 15/16 août cette année) sans se faire un camp à la mer entre potes ! C’est la tradition.
#盆tobewild ♫ comme dirait notre pote Iyo. (盆=bon… ça y’est ?)
On est souvent parti à Hamada (Shimane / les vieilles archives sont ici), Tsunoshima ou Oshima (Yamaguchi), Ikuchijima pour le Festival Festa de Rama (près de Mihara) ou bien encore Miyajima (la partie sauvage à l’arrière).
Seulement, on s’est décidé un peu tard cette année. Plus de cabane libre à Hamada, plus aucune voiture de location disponible, pas de matos de camping non plus dans notre groupe… Du coup, on s’est rabattu sur le Etta Jazz Café, à Etajima.
L’avantage est qu’on peut s’y rendre les mains vides puisque nourriture, boisson et logement (en tente ou camping-car) y sont proposés. Et on peut y accéder en ferry depuis Hiroshima.
Etta Jazz café, sur Nomishima (能美島)
Leur site internet donne l’impression d’un paradis sur terre. Une fois arrivé sur place, on s’extasie, certes. Mais petit à petit, on s’aperçoit que beaucoup de choses laissent à désirer : accueil, qualité des consommations et du logement, salubrité, tarifs… (bref, on reparle de ça plus tard).
Début de journée sur Etajima
On s’est rejoint le matin vers 9h au port d’Ujina avec J., un pote français qui vient tous les ans à Hiroshima, Kotoe et sa maman. Mais Shiho, Nicolas (un pote californien, membre du groupe The Johnny Freelance Experience), à nouveau en vacances sur Hiroshima, et Yoshi (a.k.a Carlos), étaient déjà sur le ferry avec une bouteille de blanc, partis sur un coup de tête pour nous rejoindre après une nuit blanche. R. n’avait pas réussi à se réveiller mais nous rejoindrait plus tard.
La traversée prend 40 min et coûte 680¥ pour un aller simple. (→ infos ici)
Arrivés au port de Mitaka (三高), 10 min de taxi, sur des routes tortueuses rappelant un peu Okinawa, nous ont suffi pour rejoindre notre destination.
On a vite pris nos aises sur la terrasse ombragée qui surplombe la mer. La mère de Kotoe a sorti quelques victuailles coréennes, qu’on a accompagnées avec un peu de vin.
Les JFE sont venus plusieurs fois pour de longues périodes, mais cette année, Nico passe son séjour seul à Hiroshima. Et il cherche désormais un moyen de s’y installer à long terme.
Carlos tient son surnom de l’époque où il vivait en Espagne. Il parle couramment castillan, assez bien anglais et même un peu français. Malgré son apparence nonchalante, ce garçon fait plein de choses (→ j’en parle plus en détail dans cet article).
Petits tours au bar, hamac et baignade à la plage
Depuis la terrasse du café, on accède facilement à la mer. Il suffit de descendre quelques marches (un peu abruptes) à l’aide d’une corde.
La plage est quasiment privée. Nous n’y avons croisé que brièvement une famille du voisinage.
Carlos n’en revenait toujours pas de se trouver là alors que Nico et lui comptaient juste aller boire un dernier verre en fin de soirée la veille, à ChoiChoiYa (le resto de Shiho = le piège).
Fin d’après-m sur la terrasse d’une résidence secondaire et jacuzzi
On lorgnait depuis de début de l’après-m avec envie sur les somptueuses maisons d’architecte juchées sur la colline face à la mer, tout en se demandant si on allait vraiment rester dormir dans ce fichu café. Quand soudain…
Shiho viens nous chercher « Branle bas de combat ! Chopez vos affaires et lâchez vos verres d’alcool frelaté ! C’est un pote à moi qui habite dans la maison du haut !! Il nous invite sur sa terrasse : jacuzzi, bière et high ball à volonté ! »
On a pas traîné !
Et là, c’est le drame…
Retour en ville pour une partie du groupe
Shiho devait ouvrir son resto le soir, et Nico, donner un concert dans le centre d’Hiroshima. A-san, le propriétaire de la jolie résidence secondaire leur propose donc aimablement de les ramener en bateau.
Kotoe, un peu gênée de l’incruste qu’on s’était tapé chez A-san, décide alors de monter à bord afin qu’il ne fasse pas le retour seul. Mais sa maman a un mauvais pressentiment.
Ayant elle-même le permis bateau, elle soupçonne notre hôte de ne pas être un navigateur suffisamment aguerri en cas d’incident. Elle se met soudain à implorer sa fille, presque en larme, de descendre du bateau.
J’hésite vraiment à rappeler Kotoe, je tente même une ou deux fois, sans succès, car elle ne m’entend pas. Finalement, avec J. et R. nous nous mettons implicitement d’accord pour rassurer la maman en lui promettant que tout se passera bien.
Les ennuis commencent
Mais voilà, ils ont embarqué avant 19h, et malgré le ciel qui s’obscurcit, ils ne reviennent pas. J’essaie plusieurs fois de joindre Kotoe et m’aperçois avec effroi que son téléphone sonne dans un sac près de moi.
Kotoe et A-san sont partis tous les deux sans leurs portables. Ils sont bien arrivés à Hiroshima, et repartis en direction d’Etajima d’après les autres. Mais depuis, plus de nouvelle…
Les heures passent et l’attente est insoutenable. On ne sait pas quoi faire, on ne sait plus trop quoi dire à la maman. On essaie de rationaliser. R. appelle discrètement les infos accident de mer. On lui répond qu’il n’y a rien à signaler et que de toute façon la mer est très calme ce soir.
Soirée au Etta Jazz
On mange un peu, on essaie de rigoler. Mais à 20h30, le café ferme. Il ne reste plus que nous et un groupe d’amis du frère de Kotoe qui se trouvent là par hasard.
Avec J. on part, tels des détectives privés, inspecter la maison d’A-san. Malgré les hypothèses super glauques qui nous viennent à l’esprit, on tente de trouver des explications rationnelles et positives à la disparition de notre amie.
R. et l’autre bande de garçons se partagent une flasque de whisky. Vers 23h, épuisée, je pars me coucher dans le camping-car en me disant qu’il s’agit sans doute simplement d’un problème de moteur. Voilà, c’est ça : ils sont immobilisés en pleine mer et n’ont aucun moyen de nous joindre.
Le dénouement
Lorsque je me réveille le lendemain vers 8h30, Kotoe est de retour. Dans l’obscurité, A-san s’est embourbé dans les chaînes d’un élevage d’huîtres. Ils ont passé la nuit sans eau, sans toilettes, sans téléphone, frigorifiés sur le bateau.
Au petit matin, A-san a finalement réussi à défaire la chaîne, se blessant très sévèrement au pouce (du sang partout dans le bateau !). Ils sont rentrés épuisés, en quasi état d’hypothermie. Kotoe nous avoue n’avoir jamais été aussi malade en mer (le froid, le stress, l’épuisement, le bruit incessant et régulier des clapotis contre le bateau, l’exiguïté de la cabine).
2ème journée à Etajima
Début de matinée sur la plage Sun Beach Okimi
Après une petite toilette sommaire (pas de douche dans le café), les amis du frère de Kotoe nous déposent en voiture à la plage Sun Beach Okimi.
Malgré sa nuit, Kotoe est pimpante, elle semble fraîche et en pleine forme, prête pour la suite. Oui, elle a un mental d’acier (genre elle a arrêté de fumer en 1 jour juste par la méditation !). Elle reconnaît cependant que sur le bateau, elle a dû résister à l’envie de désespérer, de craquer, de pleurer, juste pour soutenir A-san. Elle a aussi décidé de ne pas se gâcher le week-end malgré l’incident. (→ Lire mon entretien avec elle il y a 2 ans)
C’est la plage où on s’était baigné l’été dernier lors d’une journée barbecue dans une résidence secondaire de l’île.
Balade et retour en cruiser
Comme prévu, des amis de Kotoe viennent nous chercher un peu avant midi en cruiser. Avant d’embarquer, on observe les groupes d’ados du coin, qui se lancent des défis débiles et narguent ceux qui n’osent pas sauter du haut des structures de l’embarcadère.
On fait quelques plongeons depuis le pont, on barbote un peu. Une fois en pleine mer, on a le choix entre ski-nautique et bouée tractée.
Après un petit arrêt au port de Mitaka, on partage des bento, naviguons entre les îles et rentrons finalement au port d’Ujina en début d’après-midi.
J’ignore à quel point c’est fréquent dans les autres régions du Japon, mais ici en tous cas, on a toujours un pote ou un pote de pote qui possède un bateau. Les promenades en mer sont des activités estivales très courantes comme en témoignent ces archives ici et là. J’ai même eu l’occasion de monter sur des yachts très luxueux pour admirer les feux d’artifice d’Ujina ou faire des barbecues au large. Et c’est encore sur un bateau que je passerai mon dimanche prochain !
Infos pratiques
Pistes cyclables sur Etajima : http://gethiroshima.com/features/cycling-on-etajima-island/
La guesthouse où on comptait se rendre au départ (sur l’île de Kurahashi, plus au Sud) : Jul. Beach Cafe http://sunourastonefield.jp/
Les principales plages d’Etajima : Ganne Moon Beach / Okimi New Blue Beach / Okimi Green Beach / Okimi Blue Beach / Sun Beach Okimi / Human Beach Nagase
Se rendre au port d’Ujina en tram : Ligne 5 si on part de la gare / Ligne 1 si on part du centre / Ligne 3 si on part de l’Ouest de la ville (180¥)
Ce qui ne nous a pas plu dans le café
Je n’ai pas envie de verser dans la diffamation, c’est peut-être juste notre expérience, cependant :
- Un patron très peu avenant. D’après le site internet, on s’attendait à un pépé un peu original mais drôle. On l’a cru juste bourru au départ. On pensait que sa casquette « Make America Great Again » était portée de façon ironique. Mais finalement, non, le courant n’est pas passé du tout.
- Des consommations plutôt coûteuses mais de très mauvaise qualité (bière bon marché, vin blanc quasiment cuit, rouge infect, eau gazeuse éventée… plus de shochu dès le début de la soirée.
- Un choix de restauration très restreint et tout juste correct malgré des prix un peu excessifs.
- Des installations défectueuses (planches qui vacillent sur la terrasses, eau stagnante malgré la prolifération de moustiques, etc).
- Un lieu non adapté pour l’hébergement : même tarif (2500¥/ pers) que ce soit en tente ou camping-car / pas de douche / il faut apporter ses couvertures et oreillers.
- L’odeur écœurante du four à fumer la viande.
- Plus rien après 20h30 : ni boisson, ni restauration, malgré l’interdiction d’apporter des provisions.
Le patron du café n’a fait preuve d’aucune classe. Lorsque la maman de Kotoe s’est levée après cette nuit agitée, il lui a demandé si elle avait envie d’un café et de toasts. Ça ressemblait à une offre pour la réconforter mais il s’est empressé de préciser que ça fera 850¥ (pour un demi bout de pain rassis).
Le matin, alors que je dormais encore, il a ouvert la porte du camping-car sans frapper (alors qu’entre amis on prenait le soin de le faire) et l’a refermée en se contentant de dire « oh my god ! ».
Sans nous dire bonjour, ni nous demander si nous avions passé une bonne nuit le matin, il nous a fait savoir qu’on devait quitter les lieux avant 9h30.
Bref, cet accueil nous a rapidement coupé l’envie de dépenser de l’argent sur place. Pour une journée pourquoi pas, mais je ne conseillerais pas d’y passer la nuit. La mère de Kotoe avait d’ailleurs suggéré dès la fin de matinée qu’on se casse et aille passer la nuit sur « son » île. Mais ça ne nous paraissait pas très correct, sachant qu’on avait réservé.
Comme quoi finalement, parfois on devrait écouter les mamans… 🙂
YENOOL
août 19, 2017
Quel récit ! C’est vrai qu’il faut toujours écouter les mamans : heureusement que tout le monde est revenu. Merci pour cet article empli d’émotions.
Judith Cotelle
août 21, 2017
Merci ! je me demande quelle impression donne l’article. Parce qu’en dehors de l’épisode de la soirée on a quand même passé de bons moments, et en même temps comme ce n’est pas moi qui étais en pleine mer jusqu’au petit matin, je retranscris sans doute assez mal la nuit atroce qu’ont dû passé Kotoe et A-san 🙁
Joranne
août 22, 2017
Whouhou qu’elle aventure !
C’est marrant parce que j’ai suivi ton petit week-end sur instagram et tout avait l’air parfait. Comme quoi.
J’ai eu vraiment peur à un moment, j’ose pas imaginer l’angoisse de Kotoe mais aussi de A-san et de la Maman bien sûr.
Mais malgré tout ça ça fait vraiment vraiment envie. Il faudra que je revienne en été hahaha XD
Judith Cotelle
août 22, 2017
Et oui, comme je poste des photos quasiment sans légende sur Instagram, ça peut donner une impression trompeuse. Mais dans tous les cas, l’endroit était vraiment beau et on a quand même bien profité !
L’été au Japon, je pense que c’est cool si on se le fait en mode relax et farniente, sans faire des visites touristiques du matin au soir quoi 🙂