Depuis le temps qu’on en parlait, on a fini par se faire cette journée sur la minuscule île de Kanawajima (金輪島), où la mère de Kotoe possède une petite maison de campagne. Et ce n’était pas si mal d’avoir repoussé le projet depuis des mois, puisqu’on a pu profiter de températures et d’un ensoleillement assez exceptionnels pour une fin de mois d’avril.
Cette petite île de pêcheurs et de construction navale se situe à seulement 1 km d’Ujina, le port d’Hiroshima. Elle abritait avant la guerre le département du transport militaire. La population est aujourd’hui réduite à 66 habitants, dont une moitié d’étrangers (des employés de construction navale, asiatiques, principalement coréens, je suppose).
Journée sur l’île de Kanawajima
Nous avions initialement prévu d’y aller à 4, mais le téléphone arabe étant particulièrement efficace à Hiroshima, et Kotoe ayant une cœur gros comme ça (*), on s’est finalement retrouvé une bonne douzaine au départ du ferry, sur le port municipal d’Ujina (広島市営宇品桟橋 Hiroshima Shiei Ujina Sanbashi). En même temps, on avait besoin de bras pour transporter les palettes de bière qui n’avaient pu être livrées à temps sur l’île.
(* Phred, au cas où tu passerais là, c’est du second degré l’expression, hein, on sait jamais)
Si vous avez un peu voyagé au Japon ou en Asie, vous avez déjà dû remarquer cette manière particulière et typique de s’asseoir. En anglais, on appelle ça le « asian squat » et en japonais (j’ai galéré pour trouver) : le shagamu shisei (しゃがむ姿勢). Pour les japonisants, il existe une page wikipédia dédiée aux manières de s’asseoir au Japon, pour les autres, quelques articles sympas en français : celui de Camille, sur le manger.fr, ou encore celui-ci et pléthore en anglais, si vous tapez « asian squat » dans Google.
L’île du Docteur Moreau…
Au bout de ce tunnel se trouve, paraît-il, une plage sublime où nous comptions faire un tour dans l’après-midi, mais il y avait tellement de choses qu’on avait prévues de faire et qu’on a zappées.. de la pêche, du ramassage de coquillages, du badminton..
En parlant de ça, il y a une chose que je regrette par-dessus tout de ne pas avoir fait : c’est une escapade seule avec mon appareil photo. Kanawajima n’est clairement pas une île touristique, mais je pense que c’est un super spot pour les amateurs de photo (quelques photos supplémentaires dans cet article). C’est une île presque abandonnée (1500 personnes y travaillaient à son « âge d’or ») et hyper industrielle.
Le paysage est donc assez particulier : mélange de nature luxuriante, d’usines très colorées et rouillées, et d’aires de jeu abandonnées et un peu glauques. Il y règne une atmosphère assez étrange. Je n’y ai jamais croisé personne, pas de conbini, les rares (l’unique ?) commerces, y sont à chaque fois fermés. Au sommet du petit mont, se trouve une imposante et inquiétante structure métalique rouge et blanche qui surplombe le reste de l’île.
En approchant du lieu où se trouve la maison de Kotoe, on emprunte un petit chemin qui longe un rivage, bordé d’un côté par une palissade de pierre et de l’autre par de petites maisons blanches toutes simples, décorées d’innombrables pots de fleurs chatoyantes. Ça rappelle certains paysages d’Okinawa. (Kotoe a d’ailleurs aussi fait la remarque).
Si vous vous demandez pourquoi la mère de Kotoe a choisi cette île pour sa maison secondaire, c’est parce qu’elle n’a pas de permis de conduire, mais un permis bateau, et que c’est l’île la plus proche du centre ville d’Hiroshima, où elle habite la semaine, dans un tout petit appartement, avec Kotoe et son frère.
J’aurais aimé prendre des photos sur le trajet aller ou retour, mais nous avions les bras trop chargés…
La maman de Kotoe nous attendait en haut de la pente qui mène à sa maison, tout sourire et pleine d’énergie et de blagues comme d’habitude. La première chose qu’elle nous a dit, c’est qu’elle regrettait qu’on n’ait pas emmené plus de garçons avec nous, alors qu’elle avait fait l’effort de se maquiller !
On s’est vite installé dans la jardin où des palourdes asari, ramassées le matin-même par la maman, finissaient de cuire sur la plaque du barbecue.
J’adore ce jardin, dont les bordures sont faites de cannettes de bière multicolores. Et le charme de ce campement de fortune ! avec un bidon en guise de barbecue et cet assemblage improbable de chaises complètement dépareillées : chaises pliantes, de bois, de fer forgé, de bureau..
Barbecue et cuisine coréenne
Si vous ne connaissez pas le samgyeopsal (삼겹살), c’est un plat typique coréen (et si vous avez lu l’un de mes articles précédents vous devez savoir que Kotoe et sa maman sont coréennes). Ce sont des tranches de poitrine de porc que l’on grille sur la plaque, trempe dans de l’huile de sésame poivrée salée, et auxquelles on ajoute de l’ail, du piment, du miso épicé et parfois du kimchi avant de les rouler dans une feuille de laitue «sanchu». Comme toute recette typique, rien de gravé dans la pierre, il existe des tas de variations, familiales, régionales, etc.. Cette fois-ci, elle avait préparé un kimchi de laitue «sanchu» et d’oignon (qui arrachait la gueule !) pour la garniture. (et oui, le kimchi, ce n’est pas forcément fait avec du chou, si j’ai bien compris).
Si vous vous intéressez à la cuisine coréenne, je vous conseille le très poétique blog de Luna, une Coréenne vivant à Paris : La table de Diogène est ronde.
Le « namul » est un plat de légumes (habituellement blanchis), lui aussi typiquement coréen. Pour celui-ci, elle a utilisé les okura crus. Seulement frottés dans le sel pour éliminer un peu les poils, et assaisonnés de mentsuyu (めんつゆ), huile de sésame, graines de sésame et piment tōgarashi (唐辛子). On peut aussi y ajouter un peu d’ail. Les 2 tournées ont été avalées en quelques minutes !
Y. est un tokyoïte qui adore Hiroshima, et qui a décidé non seulement de s’y installer mais aussi d’y monter un commerce, alors qu’il était le patron d’une agence de graphisme basée sur Tokyo qui semble plutôt bien marcher. Il aime tellement Hiroshima, qu’il y venait pour la 3ème fois ce mois-ci (à 35,000¥ minimum l’aller-retour, je vous laisse calculer…).
C’est aussi de nous tous, celui qui est venu habillé le plus relax (plus local que les locaux, genre le pépé du coin), en mode limite paysan, vieux survet’ et sandales péraves… il s’est pris des vannes toute la journée.
La mère de Kotoe est venu poser le plat directement devant moi en expliquant à tout le monde qu’elle savait que c’était un de mes plats préférés. Le Gracieux est venu en rajouter une couche :
« Hé ! Mama-san, trop bien, (oui, il met des « san » partout, alors que tout le monde se contentait de l’appeler « mama »), ce matin en se réveillant, Jud-chan rêvait en douce que vous nous fassiez du samgyeopsal et du chijimi ! franchement la classe ! » (la honte…)
Je n’avais jamais mangé d’oignon frais ! On les a juste fait griller un peu sur le barbecue et mangé presque cru avec un peu de sauce soja. Un délice ! Ce n’était ni amer, ni piquant, très juteux et sucré ! Y en a même qui ont croqué direct dedans avant de les faire cuire !
Moment d’introspection
A. (sur la droite) travaille dans un bar japonais, ne parle pas allemand, n’a pas d’amis allemands, n’aime pas particulièrement l’Allemagne ni la cuisine allemande, s’est séparé de son petit copain allemand depuis belle lurette..
Hein ?
Elle songe à revenir vivre au Japon..
Ha bon ??
Peut-être, éventuellement. L’idée lui trotte dans la tête.
Je vois vraiment pas pourquoi….
Comme les autres ne voulaient pas rater le concert des Johnny Freelance Experience, qui commençait à 19h à Pacela, on s’est dirigé vers le port pour prendre le ferry de 17h30.
Et on a pris une dernière photo de groupe devant l’entrée du tunnel. (Ils aiment ça les photos de groupe au Japon…)
On était à peu près les seuls « touristes », tous les autres passagers (des hommes) ayant l’air d’habitants de l’île ou d’ouvriers, principalement étrangers. Les ferries étant peu nombreux dans la journée et arrêtant de circuler assez tôt, la plupart des habitants accèdent à l’île avec leur propre bateau, comme la mère de Kotoe et son frère.
2ème partie de soirée, washoku à Wakyu
Sorti du ferry, on s’est séparé en deux groupes. J’ai pris le taxi avec Shuji et le Gracieux pour aller manger un morceau quelque part. (Comme si on avait pas déjà fait que ça toute la journée…).
On a décidé d’aller à Wakyu, un petit resto de cuisine japonaise traditionnelle (和食 washoku) tenu par des amis et situé juste dans la rue où j’habite.
3ème partie de soirée, concert de The Johnny Freelance Expérience à Pacela
Shuji, le Gracieux et moi n’avions pas du tout prévu d’y aller à la base, surtout que j’étais déjà allée au concert du vendredi soir, au club AGIT.
Oui, je l’aime cette photo !
Mais du coup, comme nos téléphones n’arrêtaient pas de sonner pour nous demander ce qu’on foutait et que Shuji et le Gracieux n’avaient encore jamais assisté à leurs concerts, on a décidé de rejoindre tout le monde à Pacela.
Et personne n’a regretté. Le show était mortel comme d’hab, et le lieu, où je me rendais pour la première fois, des terrasses sur les toits d’un building, était super agréable avec les températures douces de cette soirée. L’ambiance était électrique, les gens chauds bouillant. Comme au concert précédent à AGIT, où à celui au Yokogawa Cinema il y a 3 ans, tout le monde dansait et le public a fini sur la scène.
4ème partie de soirée, des tsukemen à Hiko
Bien qu’on ait mangé toute la journée, le Gracieux avait encore un petit creux avant de rentrer se coucher (je vous ai dit, ils sont plusieurs à l’intérieur), on a donc terminé sur des tsukemen chez Hiko. (Si vous voulez en savoir plus sur les tsukemen d’Hiroshima).
Les adresses :
Waiku : Takada Bldg 2F, 1-9 Fukuromachi, Naka-ku, Hiroshiama
Hiko (tsukemen) : l’adresse est à la fin de l’article sur les tsukemen d’Hiroshima
Cicilemon
avril 28, 2016
C’est très con dit comme çà, mais l’ambiance que tu arrives à retranscrire à travers tes photos et tes textes me donnent l’envie irrépressible d’être là avec vous.M’enfin,j Je me contenterai « seulement » de la lecture et du visionnage des photos 🙁
Et c’est déjà pas mal !!!
La biz
Judith Cotelle
avril 29, 2016
Merci ! Je suis ravie si mes articles et photos permettent de rendre compte de l’ambiance d’ici !