C’est tellement vu et revu, que je m’étais dit « pas d’article sur la saison du hanami ! » (d’où les photos à l’arrache, ouai vous avez remarqué ? je me trouve des excuses à chaque fois, je suis juste nulle, il faut que je regarde la réalité en face), mais finalement, pourquoi ne pas compléter mes 4 saisons d’Hiroshima, et en profiter pour faire un petit bilan de mes 3 ans en tant que directrice artistique / graphiste chez Nininbaori, tout en faisant un petit article fourre-tout des derniers moments passés à Hiroshima ? Ça sera donc un petit article vite-fait, sans prétention..
Bilan de 3 ans en tant que graphiste au Japon
J’avais écrit il y a 1 an et demi, un article sur le travail de graphiste au Japon qui semble vous avoir plu, et comme vous me demandez parfois des nouvelles par message privé, en voilà !
Alors, après 3 ans dans la même entreprise (mon record, à 37 ans !), je me sens toujours, et même de plus en plus, épanouie !
- J’ai un peu mon pôle à moi toute seule : identité visuelle (logos, cartes de visites, identité de restaurants, etc..), branding (création de concepts de marques, et naming : noms de marques, etc..), packaging et éditorial (magazine GetHiroshima et récemment, des livres pour apprendre l’Anglais avec de célèbres clubs de foot comme le Liverpool FC). Mes collègues travaillent dans un tout autre secteur : l’immobilier principalement. Cependant il m’arrive de faire un peu d’exé pour eux : des cartes de villes notamment.
- J’ai donc mes propres projets, que je gère de A à Z (hormis les devis qui sont toujours faits par mon patron, et tant mieux ! C’est pas ma came !) et mes clients, avec qui je prends contact directement, organise et dirige les réunions / présentations.
- Je prends aussi moi-même contact avec les imprimeurs et leur demande des devis ou vais leur expliquer les choses un peu particulières que j’ai envie qu’ils réalisent pour moi (comme les cartes pour le tatoueur Horitaro, celles de la marque Pink India, nos cartes de vœux, ou encore nos propres cartes de visite).
- Je gère les stagiaires, qui travaillent sur mes projets.
- Je m’occupe parfois de la direction artistique des séances photo.
- Je n’ai de compte à rendre ni à mon patron, ni à aucun commercial à la con, en ce qui concerne la direction artistique des projets dont je suis en charge, seulement avec le client, et cette liberté me plaît énormément !
- J’ai plein de projets intéressants sur le feu en ce moment (certains depuis un moment, d’où l’absence de mise à jour dans le portfolio) : entre autre, 3 nouveaux produits pour la marque Oliver Rich, et une nouvelle marque de produits pour le bain lancé par la même entreprise.
- On n’a pas d’obligation de faire des heures sups, ni de rester jusqu’à ce que le patron rentre chez lui (il est de toute façon très souvent en rendez-vous extérieurs), pas non plus d’obligation d’arriver pile à l’heure le matin, et on s’entend toujours tous très bien.
- Je fais rarement d’heure sups (et quand ça arrive ce n’est pas mon boss qui me le demande, juste qu’il n’y a pas le choix ou qu’un client ne peut pas passer pendant mes heures de travail), cependant, je me sens un peu investie 24h/24 : ça peut m’arriver d’envoyer un message ou de passer un coup de fil à mon patron le week-end ou le soir, et même de rencontrer un client en dehors des heures de bureau. La raison, pas du zèle, mais c’est que nous sommes une très petite structure (nous sommes 4) et je suis entrée dans l’entreprise 6 mois après sa création, j’étais la première employée après les 2 fondateurs (dont un est parti). La pérennité de notre entreprise et de nos emplois, le montant de nos salaires et de nos bonus dépendent donc entièrement de nous. Je n’ai pas l’impression de travailler au service d’un patron (qui a d’ailleurs lu plein de bouquins sur le bien-être des employés au bureau !), mais plutôt au sein d’une équipe.
- On m’a demandé aujourd’hui si l’ambiance dans le graphisme était partout comme dans mon entreprise au Japon (on travaille en musique, on s’habille comme on veut, on peut fumer dans le bureau, faire des micro-sièstes et si on a des choses à faire (rdv médical, paperasse) on est libre de le faire) : alors je n’ai pas assez d’éléments de comparaisons, mais de ce que j’ai vu jusqu’à présent, je dirais non. Au Japon le monde du graphisme (et du web ou de la pub) est bien moins fun / glamour qu’à l’étranger. Pas de barbus qui jouent au babyfoot entre midi et deux, c’est un monde de l’entreprise souvent aussi veillot que dans les autres secteurs. Des entreprises que j’ai rencontrées à Hiroshima, les seuls qui sont un peu “funky” comme nous sont les gars de IC4DESIGN. Je me fais peut-être une fausse image du monde de la pub en France, mais au Japon, même dans les énormes boîtes, c’est plus ambiance bureaux tristes et hiérarchie rigide aux ordres de shacho Tanaka que 99 Francs de Beigbeder !
Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas !
Mais passons maintenant aux festivités de printemps…
Petit hanami
Le samedi du week-end précédent, vers midi, ma copine Shiho m’appelle pour me dire qu’elle aimerait me présenter un ami de Tokyo qui compte monter un business à Hiroshima, où il va aussi bientôt s’installer, et qui souhaiterait parler avec moi du magazine GetHiroshima. 30 minutes plus tard, ils débarquaient chez moi…
Comme il faisait beau et que les cerisiers atteignaient déjà quasiment leur pic de floraison, on a décidé de prendre un bento et d’aller se poser sous le premier sakura qu’on trouverait. Pas bien loin du coup : dans le parc Fukuromachi, qui se trouve juste derrière chez moi. Évidemment, on a acheté nos bento chez Musashi (j’en parlais plus en détail dans le dernier article).
C’était un hanami totalement improvisé, sans bâche bleue, ni larbin pour nous réserver l’emplacement depuis l’aube. Mais, alors qu’on était 3 au départ, notre groupe s’est vite agrandi : les gens qui passaient là par hasard (comme Kotoe, qui a son studio de yoga jusqu’à côté – j’avais écrit un article sur elle ici), et ceux qui ont rappliqué après avoir vu nos photos sur Instagram.
Même la maman de Shiho s’est jointe à nous. (J’avais écrit un article sur elles ici)
Eiji ne faisait qu’un court passage avant de rejoindre des hanami plus « officiels » du côté du Parc de la Paix. Le Parc Fukuromachi, bien que situé en centre ville, à proximité des conbinis, n’est pas un spot très populaire. Y avait tout de même quelques petits groupes par-ci par là, et même trois obasan qui se faisaient un nabé sur une cagette en guise de table (non, pas de sandwich thon-mayo ni de paquet de chips au Japon, ce sont les rois de la gastronomie tout terrain !)
Barbecue d’anniversaire
Le lendemain, comme c’était mon anniversaire, mes potes avaient organisé un barbecue sur les bords de la rivière Kyōbashigawa (京橋川). Un petit café situé juste à côté propose un service de barbecue clé-en-main. Ils installent la table et les chaises, la tente, le barbecue, une glacière pleine de boissons et des choses à faire griller, et s’occupent même du rangement en fin de journée. En plus, on peut utiliser leurs toilettes (pas de papier dans ceux du parc et une queue interminable dans ceux du Seven Eleven le plus proche).
On était vraiment bien calé, des bières fraîches, un petit haut-parleur pour la musique.
Si de passage à Hiroshima, vous êtes en quête de petites douceurs, vous pouvez foncer les yeux fermés chez Musim Panen ! Même moi qui n’aime pas le sucré, je trouve leurs pâtisseries à tomber. Leur boutique se trouve juste à quelques mètres de là, sur les bords de la rivière Kyōbashigawa. Vous pouvez aussi y boire des coups (genre bière et mojito, ouai ouai) et profiter de la petite terrasse extérieure. Le patron est un très bon ami de Bom, du mythique bar Koba ; ils organisent d’ailleurs ensemble une fois par mois les soirées Namikiss (Namiki-dori + Kiss) déguisés et maquillés en membres du fameux groupe de Glam Rock.
Il a un humour assez spécial. Un jour, un pote y emmène des amis pour la première fois et lorsqu’ils lui ont demandé le secret de ses pâtisseries si délicieuses, il leur a répondu, d’un air impassible, qu’il y mettait des poils de couille (← j’ai un peu hésité à le mettre en gras..). Je vous accorde que c’est un peu lourd comme ça, mais remis dans le contexte d’un pays comme le Japon, je trouve que c’est un joli doigt d’honneur aux règles de bienséance et obligations sociales souvent rigides. Alors personnellement, j’approuve ! Surtout que ça ne l’empêche pas d’être un pâtissier très respecté.
Je crois que c’est justement là que ça a commencé à partir en couille, d’ailleurs…
On a quitté les lieux, sans les avoir laissé tout à fait dans l’état dans lequel on les avait trouvés, mais en même temps on avait payé pour. (C’est ça le vrai luxe..)
Après avoir erré en zigzag dans les rues avec notre haut-parleur en quête d’un nouveau lieu et trouvé un gentil couple de touristes étrangers pour faire notre photo de groupe, Shiho nous a proposé d’ouvrir son petit rade, ChoiChoiYa pour boire quelques verres.
Et elle nous a sorti le magnum de champagne, et les verres Tiffany !
Une petite vidéo faite et montée à l’iPhone par Kotoe.
On a continué dans un resto de oden mais là, deux individus, dont nous tairons l’identité (krr krr krr..), nous ont lâché en cours de route…
On a fini par un karaoké.
Repas d’anniversaire avec une copine
Comme M. n’avait pas pu se joindre au barbecue le week-end précédent, elle m’a invitée à un petit repas en tête-à-tête dans mon restau franco-italien préféré : Il Grido. Il est tenu par un couple super cool, Teru et Chizu, une fille du Kansai qui a trop la tchatche et la patate. Ils ont vécu quelques mois en Italie. Ils font tout eux-même : leurs pains, leur jambon, leur pâté ou leurs rillettes et proposent toujours des légumes assez originaux. Leur carte des vins n’est composée que d’italiens qu’ils savent très bien conseiller.
On a pris de la burrata fumée en entrée, de la pintade aux asperges blanches, à la truffe et l’œuf mollet et des spaghetti sauce à la viande. On vient ici assez souvent avec M. et choisissons toujours des pâtes aux recettes hyper complexes, mais comme elle m’a demandé de choisir cette fois-ci, je me suis dit « et pourquoi pas prendre des pâtes super classiques ? je suis sûre qu’elles seront spéciales ici » et je n’ai pas eu tort !
Leurs plats de poisson, crustacés et fruits de mer sont tout aussi excellents, vous pouvez choisir les yeux fermés ! jamais été déçue une seule fois. Par contre il faut compter un minimum de 8000¥ par personne avec le vin.
Soirée avec Guigui et Yann
Le samedi, soirée avec Guillaume, qui était de passage sur Hiroshima (il réalise des documentaires fendants et très bien faits sur le Japon / ichiban-japan.com) et Yann (a.k.a l’Œil du tako, qui fait les safari photo d’Hiroshima et Miyajima / hiroshimasafari.com) et que je n’avais pas vu depuis 4 ou 5 ans ! Il a plein d’anecdotes sympas sur la région et connait des lieux secrets alors n’hésitez pas à le contacter !
C’était totalement improvisé mais on a passé une soirée pliés en deux, en faisant le hashigo (passage de bars en restaus).
Barbecue sur les bords de rivière
On a refait appel aux services du petit café comme le week-end précédent, en même temps pourquoi s’en priver ? c’est tellement fabuleux !
Ce que j’aime au Japon, c’est qu’on profite vraiment du plein air dès que les températures le permettent, et que l’on peut faire des barbecues à peu près n’importe où.
Le coin a encore été pris d’assaut pour ce 2ème et dernier week-end de hanami 2016, et comme vous le voyez, même pour une journée, les Japonais viennent toujours très équipés : chaises, bancs, tables, barbecues et certains avaient même amené leur tente ou leur hamac. On avait de la chance, notre coin était séparé du reste par des buissons et des arbustes.
Malgré les foules, et en dépit de ce qu’on a pu voir dans d’autres villes, le lieu était parfaitement propre en fin de journée (nous sommes quasiment partis les derniers) : pas un sac poubelle, ni un seul déchet par terre et ce, pour le 2ème week-end consécutif.
Ça me surprend toujours à quel point les petits enfants japonais ne sont pas farouches. Shiho et moi rencontrions ces 2 petits pour la première fois, on ne connaissait pas leurs parents non plus, mais quand on leur a proposé une petite balade jusqu’au conbini, ils nous ont suivi sans hésiter, et les parents n’étaient pas inquiets non plus.
J’ai eu envie de crier « attention ! » mille fois pendant la journée, voyant l’accident ou le gros bobo imminent, mais leurs parents et les autres adultes les ont laissé jouer sans grande surveillance et se salir tout le long, et c’est ce que j’observe à chaque fois. Pas de petits qui restent dans les jupons de maman et refusent d’adresser la parole aux autres adultes. Même moi, qui suis étrangère, me retrouve toujours avec un gamin sur les genoux qui vient me raconter sa vie et me montrer ses dernières applications d’iPhone. (Si vous lisez un peu des choses sur le Japon, vous savez sans doute aussi qu’ils font le trajet jusqu’à l’école par leurs propres moyens).
Ça a encore été une saison bien sympa, et j’ai vraiment été gâtée pour mon anniversaire : le barbecue, le repas avec ma copine (et un autre qui m’attend avec un couple d’amis cette semaine), des jolis cadeaux : un jean’s D-ID, un vernis à ongle, une bouteille d’Aka-kirishima et même une cartouche de cigarettes !
Les Adresses :
Il Grido (restaurant franco-italien haut de gamme) : Central Gate 4 Bloc, 2-7 Yagenbori, Naka-ku, Hiroshima
Musim Panem (pâtisserie-café-bar avec terrasse) : 1-16 Kanayama-cho, Naka-ku, Hiroshima
Pasta Enzo (Italien avec patio) : 4-17-105 Nagarekawa-cho, Naka-ku, Hiroshima
Shin 酒楽処 しん (cuisine traditionnelle japonaise) : 第4エルビル2F, 6-12 Yagenbori, Naka-ku, Hiroshima
La Maschera (Beer & Shrimps) : Rotary Bldg 2F, 2-17 Yagenbori, Naka-ku, Hiroshima
Joranne
avril 13, 2016
J’adore le hanami bouche à oreille via Instagram, c’est génial.
Par contre je savais pas qu’on pouvais pique niquer et faire un barbecue n’importe où.
Judith Cotelle
avril 13, 2016
Oui ce genre de plan est bien plus facile à mettre en pratique dans une ville compacte comme Hiroshima ! C’est ce qui me plait ! Ca ajoute de la spontanéité.
M0shi
avril 13, 2016
Ton boulot à l’air vraiment sympa ! Ton Patron est moderne, ou alors c’est l’esprit plus cool du sud :p
T’es We sont bien occupés ! Et j’aime beaucoup cet esprit Hiroshima / bonne bande de potes que tu arrives à faire ressortir à chaque article ! 😉
Judith Cotelle
avril 13, 2016
Merci pour ton commentaire !
Oui mon patron est quelqu’un de très ouvert d’esprit, progressiste et puis jeune (il n’a que 3 ans de plus que moi !), et c’est quelqu’un qui n’aime pas tellement l’autorité ! Il s’est mis très tôt en freelance puis à créé la boîte dans laquelle je bosse actuellement pour ne pas avoir de patron à qui rendre de comptes, donc il n’est lui-même pas un patron tyrannique ni autoritaire. Quand je propose des nouvelles manières de faire ou de travail, il est toujours à l’écoute. C’est exactement de ce genre d’ambiance que j’ai besoin pour me sentir à l’aise au travail et avoir envie de m’investir !
ネジ
avril 13, 2016
C’est ネジ sur Twitter. Juste pour dire que ça fait plaisir de voir à quel point tu sembles bien « intégrées » (dans le sens où t’as l’air d’être entourée, de te plaire, etc) … je trouve que ça fait vraiment plaisir à lire quand on voit à quel point l’intégration est un débat houleux pour beaucoup au Japon. Ah, et aussi… je pensais que tu avais 10 ans de moins que ton âge actuel… tu les fais pas du tout ! woah.
Judith Cotelle
avril 13, 2016
Merci pour ton commentaire !
Oui je ne me rendais pas du tout compte que c’était si problématique, l’intégration ou la création d’un environnement agréable au Japon, avant de rejoindre twitter il y a quelques mois ! Mais comme je l’avais déjà dit ailleurs, c’est surtout à Tokyo que c’est difficile, c’est une ville qui n’appartient à personne, comme toute capitale, et même pour les Japonais de région qui partent s’y installer, ce n’est pas toujours facile de créer des liens (les potes d’Hiroshima installés là-bas trainent surtout entre gens d’Hiroshima !), donc j’imagine que pour les étrangers, le challenge est encore plus grand !
Laure
mai 14, 2016
Je trouve ça vraiment sympa que tu puisses travailler dans un cadre comme ça. Je viens de découvrir ton blog et je suis agréablement surprise par ton parcours, ça donne de l’inspiration pour plus tard haha. ( même si tout n’est pas pareil partout, bien entendu. )
Judith Cotelle
mai 14, 2016
Merci pour ton commentaire !
Oui je pense que si on s’en donne les moyens on peut vivre une vie agréable au Japon, même en entreprise.
Emanuel d'agence web Joliette
octobre 08, 2018
J’ai toujours rêvé de résider dans ce pays si unique dans le monde entier. Rester dans un environnement de rêve et faire un travail de rêve, c’est tout ce qu’il y a de plus beau. Et rien que pour ça je te félicite pour ton parcours et tes réalisations. Courage à toi.
Judith Cotelle
octobre 09, 2018
En effet j’ai trouvé un environnement qui me convenait tout à fait !
Merci pour ton commentaire !