Avant d’être graphiste au Japon, tout d’abord être graphiste tout court…
Remettons 2, 3 choses au clair, non graphiste ça ne veut pas dire « artiste ».
« Hé vous les artistes-branleurs-hipsters-bobos-gauchos » vous entends-je ricaner.
Non ! détrompez-vous ! nous travaillons nous aussi au service du grand capital, main dans la main avec le monde de l’entreprise. Du moins si l’on a compris le but de notre tâche et qu’on essaie de faire son travail correctement. Ça n’empêche pas que le monde du graphisme soit peuplé de barbus à fixie qui boivent du café bio et de la bière artisanale dans des jarres, mais ne nous arrêtons pas aux apparences.
Si un graphiste n’est pas (forcément) un artiste (il peut être graphiste et artiste), c’est tout de même un créatif qui doit posséder un certain sens de l’esthétique ainsi qu’une sensibilité artistique ; et un intérêt prononcé pour l’Art est très fortement recommandé, je dirais même indispensable. Un sens de l’esthétique, de l’harmonie et de la composition pour que le message qu’il est chargé de transmettre et mettre en forme soit vu et lu, qu’il soit agréable à l’oeil.
Un graphiste répond à un brief, à un cahier des charges, il est soumis à des contraintes et à des objectifs. Le degré de liberté qu’on lui accorde varie selon les projets évidemment. Un artiste s’impose ses propres limites même s’il peut parfois être amené à travailler sur commande.
Le travail d’un graphiste consiste à trouver la meilleure manière de mettre graphiquement en forme le message qu’un client veut transmettre : faire connaître ou vendre un produit, un service, une entreprise, un événement culturel, changer l’image de son entreprise – la liste ne s’arrête pas là – en créant des logos, des affiches, des brochures, des maquettes de magazine, etc.
Et il doit aussi savoir comment toucher une cible particulière, celle à qui le client cherche à transmettre son message. Un artiste est libre de transmettre le message de son choix, en général le sien. Ce n’est pas non plus qu’un métier purement technique : un graphiste doit faire appel aux connaissances qu’il a du monde dans lequel il vit, il doit comprendre le message du client, son secteur d’activité et connaître (ou savoir comment se renseigner sur) la clientèle qu’il vise. Et c’est là qu’on verra en quoi le travail d’un graphiste n’est pas exactement le même s’il travaille en France ou au Japon.
Comme je reçois de temps en temps des demandes de renseignements à propos de ce métier au Japon, et qu’il n’est pas rare de voir des passionnés du Japon et aspirants graphistes poser des questions sur les forums, je me suis dit que profiter de mon blog pour offrir mon propre témoignage ne serait pas inutile.
Alors que ce soit clair, le but de l’article n’est pas d’expliquer « comment devenir graphiste au Japon », parce qu’il n’y a tout simplement pas de réponse toute faite ni de mode d’emploi et que cela dépend du parcours de chacun et de tout un tas d’autres facteurs.
Je vais tenter de répondre dans cet article aux questions qu’on m’a posées ou que j’ai pu lire ici et là tout en abordant des thèmes-clé tels que la langue ou la culture, ou bien encore le monde de l’entreprise au Japon.
La langue
Bon, je parle pas trop japonais, enfin si un peu, j’ai appris plein d’expressions dans Naruto, mais par contre je me débrouille bien en anglais, vous pensez que la langue puisse être une barrière ?
Laissons de côté le scénario où vous trouvez une entreprise étrangère merveilleuse implantée au Japon dans laquelle tout le staff parle anglais et qui ne travaille que pour des clients étrangers.
Allez je suis gentille, admettons tout de même que vous trouviez une entreprise où le staff se débrouille pas trop mal en anglais (ça court pas les rues mais ça doit exister) :
Même si vos collègues font l’effort de vous parler en anglais (ou en français, rêvons un peu) il faudra aussi qu’ils vous traduisent les documents, que les réunions internes se fassent en anglais rien que pour vous, que vous soyez exempté de rendez-vous clients et de présentations de projet, à moins que par le plus grand des hasards les clients parlent eux aussi anglais, et que vous n’ayez aucun document à rédiger vous-même. Il faudra qu’on vous installe un OS en anglais et qu’on achète rien que pour vous les licences des logiciels dans votre langue. Vous ne pourrez pas répondre au téléphone ni échanger de mails..
Avouez que ça fait quand même beaucoup juste pour le plaisir d’un petit français qui veut pouvoir manger des onigiri du 7/11 tous les jours ! Bon pour l’instant, j’admets, ça pourrait quasiment s’appliquer à n’importe quel métier et à n’importe quel pays, mais ne vous inquiétez pas, on rentrera dans les spécificités un peu plus loin.
Si vous parlez un peu japonais, vous aurez tout de même besoin de vous familiariser avec le jargon du graphisme et les termes issus du monde l’imprimerie. Si vous travaillez en agence, pas de souci, vous les apprendrez au fur et à mesure, comme moi. Je ne connaissais aucun de ces termes avant de commencer à travailler chez Nininbaori. 入稿 色校正 下版 納品 ブラシャップ 三つ折り 塗り足し 特色 箔押し…
Mais si vous envisagez de vous installer comme freelance (j’ai échangé par mail avec une personne qui débutait dans le graphisme et souhaitait s’installer comme freelance au Japon), vous devrez vous débrouiller seul.
Bon rien n’est impossible avec de la motivation et je ne cherche pas à vous décourager, mais il faut quand même penser à tout ça.
Comme je l’ai expliqué en introduction, le graphisme (je préfère largement les termes «graphic design» en anglais ou «design graphique» en québécois, qui décrivent bien mieux le métier, mais passons) est avant tout un métier de communication.
Alors comment envisager de créer des outils de communication dans une langue que l’on ne parle pas ou maîtrise trop peu ? A la rigueur peut-être en étant graphiste exécutant mais sinon ça me semble assez difficile.
L’influence de la culture d’un pays sur l’expression graphique
Est ce que les codes du graphisme sont vraiment différents sur place?
Évidemment oui !
La mise en page et la mise en forme des informations
On ne hiérarchise pas l’info de la même manière, on ne la met pas en valeur de la même façon, les règles de mise en page sont différentes, chaque secteur d’activité à ses habitudes et ses usages en terme d’image et de communications, des couleurs, des typos qui lui sont associées ou auxquelles le public est habitué. Et les couleurs ont souvent une connotation différente au sein de chaque culture. Bien sûr on peut apprendre tout ça au fur et à mesure, mais se lancer seul en freelance sans ces connaissances préalables, me semble assez casse-gueule…
Les goûts, les habitudes graphiques sont différentes. Au Japon, on aime ce qui est très chargé, très très chargé ! Pour une même surface, on fera rentrer 10 fois plus de contenu que sur un document français.
Au Japon, on aime utiliser des photos de personnes, dans différentes postures et avec diverses expressions de visage, accompagnées de commentaires dans des bulles, sinon ça fait samishii (ça fait vide, il manque quelque chose). Dans mon agence, nous créons beaucoup de brochures de programmes immobiliers, c’est un peu notre niche, et on ne se contente pas de présenter des photos des appartements. Non, il faut souvent prendre une vingtaine de photos d’un mannequin qui joue le rôle de la femme au foyer, les détourer et en coller un peu partout.
On aime aussi ajouter des tas de petits éléments graphiques.
Muji et Uniqlo avec la sobriété qui les caractérise font clairement figure d’outsider. Et le fait qu’ils aient réussi à s’exporter à l’étranger n’est sûrement pas un hasard.
A ce propos un graphiste japonais a publié il y a quelques temps un article sur pen-online ayant grosso-modo pour titre « Le Japon, vers la fin du graphisme ringard, surchargé et bordélique? ».
Il y explique que bien que le Japon soit traditionnellement un pays de sobriété et de minimalisme, les villes sont surchargées de messages publicitaires, de néons et d’enseignes plus criardes les unes que les autres, à l’exception de Kyoto, qui est soumise à une régulation au niveau du paysage urbain, soucieuse de conserver son aspect traditionnel qui est un peu son fond de commerce. Et il pense qu’au vu du succès touristique de la ville, c’est un choix judicieux.
Il cite également Steve Jobs, qui fait partie des gens qui ont su imposer un design minimaliste dans le monde entier et qui était justement fan du Japon traditionnel, un peu moins de Shinjuku.
Il explique qu’avec l’adoption massive de l’iPhone et du flat design, les Japonais s’habituent ou se ré-habituent à un design plus sobre et que les graphistes japonais pourront bientôt être libre de créer des visuels plus soignés.
Le texte et les règles typographiques
On ne met pas non plus le texte en forme de la même manière, le Japonais a ses règles typographiques propres. Il faut savoir où se font les retours à la ligne dans un texte, connaître les règles de ponctuation, et évidemment comprendre le contenu du texte que l’on vous fournit pour le mettre en forme de la manière la plus appropriée.
Le Japonais peut s’écrire aussi bien à l’horizontale qu’à la verticale, habitude qui, j’ai l’impression, tend cependant à se perdre. En effet, de nos jours l’écriture verticale (même si c’est toujours la norme dans les livres, dans les romans) a pris une connotation « tradition », « classique ».
Sur la plaquette commerciale que nous avons réalisée pour Oliver Rich, nous avions une gamme d’huiles essentielles estampillées « Japan », avec des fragrances typiquement japonaises, tels que le Yuzu d’Umajimura ou le cyprès japonais hinoki de Shimanto. Nous n’avons utilisé l’écriture verticale que sur les pages présentant ces produits.
Les cartes de visite japonaises ne sont pas présentées de la même manière que les cartes de visite françaises ou américaines. Là au contraire, on préfère en général un style plus dépouillé. Il ne faut que ce soit trop tape à l’oeil.
L’utilisation des polices de caractère est elle aussi différente. Les familles de polices ont chacune leur propre connotation. On utilisera plutôt une typo Mincho pour exprimer l’élégance, la tradition, la féminité, pour écrire les slogans, et une typo Gothic pour exprimer la modernité, la technique, la masculinité, et plus généralement pour les textes explicatifs.
J’avoue que je ne suis toujours pas très calée avec ça et que mes collègues doivent parfois me conseiller sur les choix de police. De leur côté ils connaissent assez mal les polices d’écriture latine et sont complètement largués au niveau des règles typographiques lorsqu’ils doivent mettre en forme un texte en anglais.
Certains types de typos sont associés à une époque, à un type de commerce, ont une image classe ou une image plus « cheap ».
Récemment j’ai crée une illustration pour la couverture d’une carte d’Hiroshima destinée aux touristes étrangers, et j’avais envie d’y donner un aspect années 60 japonaises, j’ai donc consulté quelques bouquins de pubs des années 60 et cherché à identifier les typos typiquement utilisées à cette époque. Elles avaient un aspect un peu futuriste qui paraît totalement ringard maintenant mais ça a son charme.
C’est plus technique, mais au Japon on n’utilise pas les mêmes profils colorimétriques, on n’utilise pas non plus les encres PANTONE, mais les encres DIC.
L’influence de la culture
C’est évident que nous n’avons pas les mêmes référents culturels. Quand on est né dans un pays, on est influencé par les émissions de télé, les pubs qu’on a tous vus depuis notre enfance, les affiches que l’on voit dans la rue, les prospectus que l’on reçoit dans sa boîte aux lettre, les enseignes de magasins, les catalogues et les magazines. On n’évolue pas dans le même paysage graphique et ça saute aux yeux quand on vient au Japon pour la première fois. Chaque culture à ses propres clichés, son inconscient collectif.
Les attentes des consommateurs selon le pays ne sont pas les mêmes.
Le client qui fait appel à vos service cherche à toucher une cible particulière et cette cible vous devez la connaître pour savoir comment lui parler. Vous devez comprendre à quelle catégorie sociale vous avez affaire, ses habitudes de consommation, ses goûts, ses intérêts.
Si l’on vous dit « femme au foyer », ça n’aura pas du tout le même sens en France qu’au Japon.
En France, on imaginera peut-être quelqu’un d’un peu rétrograde, isolé, qui reste à la maison et a peu de relations sociales (Si vous êtes vous-même une femme au foyer française et que vous ne vous reconnaissez absolument pas dans ce profil, notez bien que j’ai dit « peut-être », que c’est juste un cliché que je décris).
Au Japon, être « femme au foyer » est, de nos jours encore, quelque chose de très commun. On pourra imaginer une jeune femme, pas nécessairement mère, qui sort avec ses copines le midi pour manger dans des restos italiens ou français un peu chics, qui prend soin de son apparence, a le temps de faire les boutiques et d’aller boire des cafés latte, d’aller au yoga, de prendre des cours d’anglais ou de français, d’aller dans les magasins de design pour parfaire la déco de son appart.
On va peut-être vous demander de créer un visuel pour les OL célibataires de 30 ans (OL = Office Lady), pour les arafo (arafo = around forty, femme d’environ 40 ans), pour le jeune de province qui s’installe à Tokyo pour ses études ou son premier job.
Je me trompe peut-être mais la communication me semble bien plus segmentée au Japon qu’en France.
Une marque d’alcool aura un spot publicitaire destiné au brave salaryman qui ganbaru et boit des « high-balls » avec ses collègues après le boulot, un autre pour la mère de famille qui dit pas non à sa petite bière en préparant le repas, un autre pour le Tanaka à la retraite qui fait griller du poulpe sur le barbecue de son jardin avec ses amis assis sur des chaises de camping Coleman et qui prend des photos de feuilles d’érable le dimanche en tenue complète bob, chaussures de sport de pépé, gilet de pêcheur, et encore un autre pour la jeune fille qui apprécie sa petite cannette de chu-hi sucré et pétillant seule dans sa chambre toute mignonne après son bain…
Les outils de communication sont aussi très genrés : si on s’adresse aux filles, on va souvent vous demander de faire quelque chose de très cliché, de mettre des couleurs douces, plein de petits éléments graphiques : des étoiles, des rubans, des piou-piou, il faudra que ça soit kira-kira etc. Au bureau on a même un bouquin qui s’appelle « le design pour attirer les filles ». J’avais lu une étude selon laquelle en France, le marketing adressé aux femmes de manière trop évidente ne fonctionnait pas, il faut que ce soit plus subtile, au Japon, non, il faut y aller plein pot !
Les saisons évoquent quelque chose de totalement différent à un Japonais et à un Français. D’ailleurs le marketing saisonnier est ultra poussé au Japon.
Si on vous dit « hiver » au Japon, vous devez être capable d’imaginer un kotatsu (meuble typiquement japonais composé d’une table chauffante et de couverture sur les bords), un poêle à pétrole avec son bruit et son odeur particulières et une bouilloire posée dessus qui fait ploc-ploc, un nabé sur la table, un saké chaud ou un shochu coupé à l’eau chaude, des grosses chaussettes à 5 doigts, une journée au onsen, un oden acheté au conbini du coin, la saison des bonenkai et shinnenkai, des décorations faites de bambou, de cordes de pailles de riz et de mikan.
Pour un français l’hiver ça sera différent : ça sera peut-être plus un chalet à la montagne, une raclette ou une fondue, un vin chaud, Noël, des papillotes et des chocolats, un calendrier de l’avent, du champagne et des huîtres pour le Réveillon, des paillettes et du doré.
Ce sont des choses que vous devez avoir à l’esprit quand vous êtes graphiste et qui sont tellement évidentes pour les Japonais qu’ils ne penseront pas à vous les expliquer s’ils vous demandent de créer un visuel qui évoque l’hiver.
Les notions de cool et ringard ne sont pas les mêmes ici.
Si un client veut donner une image luxueuse à ses outils de communication, vous devez savoir comment suggérer le luxe au Japon ; ce sera différent à Paris, à Dubaï, à Pékin ou à Moscou.
Si on vous demande d’ajouter une touche française, ça sera la France vue et fantasmée par les Japonais, pas celle que vous connaissez.
Si un patron de bar vous décrit son lieu pour que vous puissiez imaginer son logo, ses cartes de visite, ses flyers et vous dit « chez moi la clientèle, c’est clairement pas les groupes de salarymen bourrés » , ça doit vous parler, vous devez savoir ce qu’il insinue, ça doit vous renseigner sur quel type d’ambiance, quel type de clientèle il vise.
Vous devez aussi connaître un peu le marché Japonais. L’année dernière nous avions bossé sur le logo et le naming d’une nouvelle marque de magasin de mobilier et déco qui voulait proposer un service appart clé en main pour jeune fille qui s’installe seule pour la première fois à Tokyo. Sur les documents présentant le projet, nous avions un diagramme de positionnement commercial sur lequel figuraient les principaux concurrents. Je ne les connaissais pas tous, mais une bonne partie tout de même, ce qui était indispensable à la compréhension des objectifs du client. Quelqu’un de fraîchement installé au Japon ne connaitra pas forcément ces enseignes.
Bref pour être graphiste au Japon, vos compétences techniques et artistiques ne suffiront pas. Il y a tout un tas de choses que vous devrez connaître et qui risquent d’être assez floues pour vous si vous venez juste de débarquer au Japon et des choses qui, contrairement à la langue, ne peuvent pas s’apprendre en accéléré. C’est là où quelques années de vie déjà passées au Japon avant d’être embauchée chez Nininbaori m’ont servies.
Lorsque je travaillais pour la promotion de Miyajima auprès des touristes étrangers de 2011 à 2013, je me suis retrouvée dans la situation inverse. J’ai du complètement refaire leur site et leurs brochures, parce qu’ils n’étaient pas adaptés à un public européen ou américain. Ils avaient gardé la même présentation, la même mise en page et s’étaient contentés de faire traduire (très mal) les textes à partir du japonais. Le design était complètement surchargé, les photos trop petites, le choix des infos présentées peu judicieux. Un français n’a pas les mêmes intérêts qu’un japonais sur un lieu touristique, il s’en fout de savoir qu’il y a un café où on peut manger des pâtes italiennes, il n’a pas besoin de toutes ces données très scolaires qu’on trouve sur une brochure touristique japonaise, il veut savoir ce qu’il y a d’intéressant à faire et à voir. Bon j’avoue que là c’était un travail de régionalisation qui dépassait totalement mes compétences de graphiste mais ils n’avaient pas non plus le budget suffisant pour faire appel à des entreprises spécialisées, j’ai donc fait ce que j’ai pu mais le fait de ne pas être japonaise était dans ce cas un réel atout.
Est ce qu’il vaut mieux adopter un style particulier ou plus « japonais » ou garder mon style ?.
Le style à adopter dépend de la demande du client, de ses objectifs, de son secteur d’activité, du type de clientèle qu’il vise.
Un « style japonais », ça ne veut pas dire grand chose au demeurant, il existe des tas de styles au Japon. La personne qui m’a posé cette question pensait peut-être au style manga / kawaii ? Je ne sais pas trop, mais comme je viens de l’expliquer longuement, si l’on s’adresse à des Japonais on devra s’adapter à leur culture.
Garder son style : Même s’il on doit être capable de s’adapter, oui un style personnel peut parfois être un atout. Il est arrivé que des clients faisant appel aux services de notre agence demandent spécifiquement à ce que ce soit moi qui réalise le travail, parce que j’étais française ou parce que mon style leur plaisait.
Et puis si une entreprise japonaise se casse la tête à vous embaucher à la place d’un Japonais, c’est aussi qu’ils attendent de vous une certaine valeur ajoutée, un regard neuf, des propositions intéressantes auxquelles ils n’auraient pas pensé, des compétences particulières.
Par exemple, je m’occupe de la maquette de GetHiroshima, un magazine en anglais destiné aux touristes et résidents étrangers à Hiroshima et c’est un travail que dans mon agence, personne d’autre ne serait capable de faire car il nécessite de comprendre l’anglais et la culture occidentale d’une part et que même si les anglais avec qui je travaillent parlent japonais, c’est quand même plus facile pour tout le monde de communiquer en anglais.
Le monde de l’entreprise au Japon
Est ce qu’il y a des protocoles à respecter?
Oui, clairement oui ! Les règles de politesse ne sont pas les mêmes, la relation avec les clients n’est pas la même.
Vous savez certainement que l’échange de cartes de visites est très codifié.
Les japonais aiment aussi beaucoup les rencontres face à face, on se déplace beaucoup plus au Japon, là où en France on se contenterait de communiquer par téléphone ou par mail. On va manger et boire avec les clients, les fournisseurs ou les collaborateurs. C’est d’ailleurs aussi une manière d’entretenir ou d’élargir son réseau. (Oui, ceux qui me suivent sur Facebook le savent, mon patron s’emploie à élargir son réseau tous les soirs jusqu’à 4h du mat ! Il aime dire que « boire c’est travailler ».)
On envoie aussi des nengajo (des cartes de voeux) à tous ses clients et collaborateurs en fin d’année, et là aussi il y a des règles à respecter : le type de texte que l’on écrit, les dates auxquelles on doit les envoyer, etc.
Quand des clients viennent au bureau, on leur sert toujours un café ou thé, et il n’est par rare qu’eux apportent des sucreries ou des boissons.
Bref je ne vais dresser toute la liste des différences entre les règles en entreprise en France et au Japon, surtout que j’ai la chance de travailler dans une entreprise japonaise plutôt relax, pas forcément représentative du monde de l’entreprise au Japon.
Et je continue à apprendre des choses tous les jours :
Pour l’instant on m’accompagne dans les 1ers rendez-vous avec les nouveaux clients, puis en général on me laisse me débrouiller une fois que je les connais un peu mieux. Mais je ne suis pas encore super à l’aise. Je dois aussi parfois parler au téléphone avec les clients, avec nos collaborateurs ou avec notre imprimeur, et ça m’angoisse toujours un peu mais le fait d’entendre les communications de mes collègues tous les jours me permet de prendre certaines habitudes.
Au départ on me dictait les mails, puis on m’a ensuite écrit une liste de phrases types à utiliser. Je les rédige maintenant moi-même et les fais vérifier quand j’ai un doute. Ca rejoint donc le 1er thème qui était consacré aux compétences linguistiques.
Je me demandais justement si au départ il était préférable de partir travailler comme salarié dans une société au Japon ou d’avoir des clients et de commencer directement comme freelance.
Etre freelance, ça veut dire s’occuper de toute la partie administrative soi-même et c’est déjà pas simple dans son propre pays, alors pour quelqu’un qui vient d’arriver au Japon j’ai vraiment du mal à imaginer.. Il faut savoir rédiger ses devis et ses factures. Puis il faut connaître aussi les tarifs qui se pratiquent.
Il faut également assurer la partie commerciale, prospecter, se créer un réseau, aller aux rendez-vous avec les clients, gérer l’impression.
Bref, moi personnellement je ne me sentirais pas encore capable de me lancer dans l’aventure freelance au Japon, mais peut-être que certains d’entre vous sont plus téméraires que moi !
C’était très long et un peu fouillis je sais, et j’ai certainement oublié plein de choses, mais si vous êtes vous même graphiste au Japon (salarié ou freelance) ou même dans un pays étranger et que vous avez envie de compléter mon article, ou que votre expérience est complètement différente, je vous invite à laisser vos commentaires ! Si vous êtes webdesigner, ou spécialisé dans la 3D, ou dans l’animation, ça serait aussi intéressant de savoir comment ça se passe pour vous parce que c’est sûrement différent du monde du « print ». Si vous avez déjà écrit un article à ce sujet, n’hésitez pas non plus à partager vos liens.
Et si les personnes qui ont posé ces questions se reconnaissent, je serais ravie de savoir si leurs projets ont aboutit !
Enzo Maui
novembre 24, 2014
Article complet, et totalement dans le vrai. J’ai découvert le japon un peu par hasard et je ne m’en suis pas remis. Régulièrement il m’arrive d’envisager un scénario où je m’y installerais, provisoirement ou durablement, mais je sais que c’est très loin d’être simple, d’autant plus que j’ai eu la chance d’y aller plusieurs fois dans des conditions ultra-confortables… Ma vision du bien vivre au Japon y est donc certainement tronqué. Néanmoins j’envisage parfois d’y travailler. Etant principalement graphiste j’ai souvent écarté cette possibilité de vie professionnelle au quotidien, tout à fait conscient de tous les points que tu énumères ici : pas insurmontable mais en effet plus compliqué que ça en a l’air.
Judith Cotelle
novembre 25, 2014
Si on est déjà graphiste avant de partir et qu’on connait déjà un peu le pays, qu’on a des contacts sur place, je pense que rien n’est impossible !
Les questions que j’ai présentées dans l’article venaient souvent de personnes qui n’avaient encore jamais mis les pieds au Japon et qui débutaient complètement dans le graphisme !
Ngee
novembre 25, 2014
Article vraiment intéressant, même si tout ce que tu racontes parait totalement logique j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire. Je ne suis pas graphiste, ni habitant au japon, je bosse dans le web depuis 15 ans en france, donc c’est surtout par curiosité que j’ai lu cet article car c’est toujours intéressant de découvrir certaines spécificités métiers en tout cas c’était vraiment très instructif
Judith Cotelle
novembre 25, 2014
Merci pour le commentaire !
D’après ton blog tu pars bientôt au Japon, alors bon voyage !
Béné
novembre 26, 2014
Graphiste depuis 8 ans, graphiste au Japon depuis avril, je me retouve complètement dans ton article. C’est drôle car j’en ai un en préparation sur ce sujet mais après avoir vu le tien et compte tenu de ma faible expérience dans le pays en tant que graphiste, je ne sais pas si je vais le continuer.
Judith Cotelle
novembre 26, 2014
Non non au contraire ça peut être intéressant une expérience plus fraîche ! (J’avoue qu’avant d’écrire mon article, je me suis interdit de rechercher des articles similaires pour ne pas être influencée ni être découragée d’écrire parce que ça aurait déjà pu être fait, donc je te comprends)
C’est marrant de découvrir qu’on est plusieurs dans la même situation ! ce matin, une autre personne m’a contactée par mail mais n’a pas laissé de commentaire : un français graphiste freelance à Tokyo mais avec une expérience de 3 ans en agence au Japon.
Joranne
novembre 27, 2014
C’était vraiment super interessant comme article, j’ai beaucoup aimé la première partie sur le rapport à la langue, ça remet bien les choses en place. La surcharge Japonaise était bien fun aussi, j’adore feuilleter les magasines japonais c’est tellement « trop » parfois.
Mais c’est vrai que dans une file d’attente pour visiter un monument à Bruges je me souviens avoir lu (enfin regardé plutôt) par dessus l’épaule d’un touriste japonaise un guide sur Bruges, tout semblait tellement « pika pika » s’en était presque magique.
Bonne continuation en tous cas.
Judith Cotelle
décembre 06, 2014
Merci !
Déborah
janvier 14, 2015
Je suis tombé par hasard sur ton (vieux) blog, en cherchant quoi faire à kyoto en 3/4 jours (nous partons au japon mi avril), puis je suis arrivé sur ton nouveau blog. Je me suis régalé avec ton article ! je reviendrais souvent par ici ! Merci !
Judith Cotelle
janvier 14, 2015
Merci !
Et bonne visite au Japon !
Manon
août 06, 2015
Merci pour cette article très complet. Je suis Graphiste (en stage pour le moment) en Allemagne et j’envisage dans tous les cas de vivre à l’étranger après mes études. J’écris mon mémoire de fin d’étude sur l’influence de la culture (française notamment) sur le travaille de création et je pensais (sauf désaccord de ta part prendre ton articles en exemple (en te citant bien sur, lien y compris) pour illustrer mon propos.
Manon
Judith Cotelle
août 07, 2015
Oui bien sûr pas de souci !
Morgane
février 09, 2016
Bonjour Judith,
Merci pour cet article complet et très interessant et tout a fait dans le thème de mes questions actuelles!
En effet graphiste depuis 5ans en poste, puis en freelance, j’envisage de m’installer au Japon! J’imaginais dans un 1er temps pouvoir garder mes clients Francais pour m’assurer un revenu (et surtout si c’est possible de conserver un revenu francais?) puis tendre petit à petits à trouver un travail sur place! Mais il est clair que la barriere de la langue m’effraie..
Si tu as des conseils, je prends!
Merci et encore Bravo pour ton parcours!
Judith Cotelle
février 10, 2016
Bonjour et merci pour ton commentaire !
Oui tu peux très bien continuer à travailler avec des clients français tout en étant au Japon, c’est ce que j’ai fait au début. Mais il te faudra un visa approprié pour rester au Japon (un working-holiday si tu as moins de 30 ans peut-être ?). En revanche, pour trouver du travail sans parler la langue : peut-être trouver une entreprise inetrnationale où l’on communique en Anglais ? sinon, se mettre au Japonais de manière intensive et au plus vite !
Bon courage en tous cas !
Une asiat' qui passait par là >o
juillet 06, 2016
Dans deux ans, je dois partir en stage de 6 mois pour ma formation de graphiste (ma 4ème et dernière année à l’école de graphiste).
J’ai trouvé ton article très intéressant et voulais te poser la question suivante.
Penses-tu qu’essayer d’aller au japon pour ces 6 mois soit une bonne idée ou devrait-je me rabattre plutôt sur le royaume-uni pour l’anglais? (mes profs disent que l’allemand ferais un plus que l’anglais dans le cv plus tard, mais je ne pense pas supporter de l’allemand pendant 6 mois! je ne suis pas doué dans cette langue et je ne l’apprécie pas beaucoup).
Voilà, si tu pouvais me donné ton avis j’en serais très heureuse.
Judith Cotelle
juillet 07, 2016
Bonjour et merci pour ton commentaire !
Je ne pense pas qu’il y ait de réponse toute faite, cela dépend avant tout de tes critères que je ne connais pas et de ce que tu cherches à acquérir au cours de ce stage. Je pense qu’en général, les gens qui choisissent d’effectuer leur stage au Japon, le font parce que le pays les attire plus que pour les éventuels plus que cela pourrait apporter à leur CV ou leur carrière. Je ne sais pas si tu parles japonais, mais il faut savoir que les entreprises où l’on parle anglais sont assez rares et que le stage est une pratique assez peu courante ici. Les loyers des logements temporaires sont également assez élevés.
Après si la langue et le coût de la vie ici ne sont pas un problème pour toi, pourquoi ne pas tenter ta chance ?
Pour quand même te donner mon avis personnel, je pense que tu devrais d’abord commencer par chercher des entreprises dans les 2 pays puis faire ton choix en fonction de l’entreprise pour laquelle tu auras eu un coup de coeur plus qu’en fonction du pays. Voilà j’espère t’avoir un peu aidé.
une asiat' qui passait par là
juillet 14, 2016
Bonsoir et merci de ta réponse.
Je recherche à m’éloignez de ce que je fais allez à l’opposé pour améliorer mon graphisme. Je fais des choses sobres, minimalismes. Avec le côté chargé et un peu fou, mais parfois très sobre et classe du graphisme japonais je voudrais compléter ce qui me manque. Je ne pense pas que ça apportera un plus à mon CV (à part démontrer que je m’en sors en anglais et peut-être un peu en japonais) mais ce n’est pas ce que je recherche.
J’ai conscience que trouvé un stage et un logement temporaire là-bas est chose très difficile.
Pour tenter ma chance je devrais viser plutôt quels entreprises (si tu as des noms).
De toutes façon, je vais postuler dans plusieurs entreprises pour avoir une chance.
Merci de ton conseil (et je voudrais y aller aussi parce que j’aime ce pays bien sûr 😉
Johanna Liscio
janvier 31, 2018
Merci pour votre article, qui était très intéressant. Je suis en plein mémoire, sur la différenciation du marketing (plus particulièrement de la communication sur les plv) à l’international (axé sur l’adaptation des marques au japon et au moyen-orient), et j’ai utilisé votre article en fiche de lecture pour mon mémoire !
Judith Cotelle
janvier 31, 2018
Ah ben ça me fait plaisir d’avoir pu aider ! merci beaucoup 🙂
Eben
octobre 28, 2019
Salut. Tu fais du bon boulot et « ganbaté »!
Je voudrais bien avoir une liste des écoles de dessin graphique et d’infographie au Japon. On en trouve pas facilement sur Internet. Merci bien.
C’est depuis le Bénin, en Afrique.
Judith Cotelle
novembre 01, 2019
Salut et merci pour ton commentaire !
Malheureusement je ne connais pas de liste d’écoles de graphisme au Japon (à moins de chercher sur Google à ta place, mais je n’ai pas vraiment le temps). Peut-être que quelqu’un pourra te renseigner sur un forum comme expat.com par exemple ?
En tous cas bon courage pour ton projet !