Cette fois-ci on va revenir sur du Hiroshima très deep, très très deep (oui, c’est le mot que les Japonais utilisent pour décrire ce genre de lieu, en tous cas c’est le mot qu’emploie Izumi Goto, la reine du « Deep Hiroshima » (la « bohemian queen » selon Paul Walsh) qui tient d’aillleurs une chronique dédiée à ce sujet dans GetHiroshima mag).
C’est le Japon tel que je l’adore, celui d’après guerre, celui de l’époque Showa. On a tous nos lubies, certains se passionnent pour le Japon ultra moderne, ses robots et sa pop culture, d’autres pour le Japon historique et traditionnel, l’époque Edo, ses samouraïs et ses geishas, moi je me situe entre les 2, comme Izumi, c’est ce Japon bien crado des années 50-70, ces vieilles personnes pleines d’humour et de gouaille, et ce qu’il en reste maintenant (pour plus longtemps), avec cet étrange mélange de Japon traditionnel et d’inspiration occidentale initiée pendant l’ère Meiji, qui me passionne.
On va donc explorer le quartier d’Osuga situé aux abords de la gare d’Hiroshima, une oasis quasi intacte du Japon d’après guerre. Je comptais depuis longtemps écrire un article sur ce quartier après qu’une connaissance m’en ait parlé et m’ait promis de m’y guider, mais j’ai finalement été réquisitionnée en tant que photographe (malgré mes piètres compétences) pour illustrer l’article d’Izumi. Ce sera donc elle notre guide.
Nous reviendront probablement plus en détail sur Izumi dans un autre article, mais pour vous situer un peu, cette fille très atypique tient un lieu dans le quartier de Tokaichi, un immeuble composé d’une galerie au sous-sol, d’un café / restaurant au rez-de-chaussée (Tokaichi Apartment), d’un bar décoré façon ère Taisho, les années 30 japonaises (Organ-za) au 1er et d’une salle de spectacle accueillant des groupes de musique ou des performances burlesques (Furansu-za). Elle est également musicienne et performeuse (chant et accordéon) et anime des émissions à la radio. Sa garde-robe est incroyable, elle possède sans doute bien plus de perruques que vous de paires de chaussettes.
Elle décrit elle-même le quartier d’Osuga comme un concentré des quartiers de Sangenjaya, Koenji, Kichijoji ou Golden Gai (Shinjuku) à Tokyo (mes quartiers préférés de la capitale) et je confirme. C’est tout petit cependant, ridicule même si on voit ça sur une carte, mais ça vaut le coup.
On a fait l’erreur d’y aller un jeudi soir (le soir où beaucoup d’établissements sont fermés) mais nos emplois du temps respectifs ne nous permettaient pas de faire autrement, c’est pourquoi sur mes photos, les rues vont paraître un peu sombres. Mais même par un soir aussi calme, on pouvait entendre de l’enka (chanson japonaise typique des années 60) retentir des karaokés-bars cachés dans les ruelles. On y croise une faune assez diverse : des salarymans ou des O.L. sur le chemin du retour, des gens sans emploi, des artistes, des artisans, des punks, des vieux édentés, bref une foule intéressante, mix d’underground et d’autochtones.
Ce n’est pas forcément un quartier facile d’accès pour les touristes ; d’après les Japonais eux-même, il faut être présenté par quelqu’un pour passer la porte d’entrée de la plupart de ces minuscules bars et restos. Mais ce soir, nous avons eut de la chance. Nous avons croisé par hasard un ami d’Izumi, qui tient aussi un bar-resto à Yokogawa (l’autre quartier super deep d’Hiroshima dont j’avais parlé ici et ici) et qui a récemment fait l’acquisition d’un bâtiment dans le quartier (les prix sont dérisoires) et ouvert un bar. Si ce Japon-là vous intéresse, je vous conseille de le visiter au plus vite avant qu’il ne disparaisse. A Hiroshima, certains de ces quartiers ont déjà été démolis pour construire du neuf et à Osuga, les immeubles inhabités commencent à être rachetés par de grosses entreprises dans le même but.
Après avoir visité l’immeuble de l’ami d’Izumi, nous sommes allés boire une bière (à 300 yens!) et quelques kushi-age (100 yens la brochette) à ぱどっく Padokku. (Un lieu accueillant où vous pouvez vous rendre sans souci). C’est un tachi-nomi (on boit et mange debout au comptoir) qui fait penser à un PMU de village.
On a ensuite été faire un tour à Tariq, un bar (style stand bar) où vous pouvez boire du vin bio et vous déguiser. La patronne parle parfaitement anglais, pratique la danse du ventre et est incollable sur tous les secrets du quartier. Elle a choisi le nom Tariq pour sa signification en arabe.
On a poursuivi notre route jusqu’au saké bar 丸 Maru. Lieu très classe et non-fumeur (coin fumeur à l’étage) tenu par un rockab’ plutôt froid. La collection de saké est assez hallucinante et le verre est à 400 yens seulement. Osuga, ce n’est pas seulement un quartier de vieux boui-bouis, on y trouve aussi des lieux très classes et modernes, pour tous les goûts.
Nous avons ensuite été rendre visite à un cordonnier. Son atelier est magnifique et il expose aussi les créations de jeunes designers bijoux à l’étage.
Nos pérégrinations nous ensuite menées à 和 スタミナ料理 Kazu – Sutamina ryori (stamina food).
Là, le thermomètre de deepness d’Izumi s’est affolé « haaa, c’est deep, c’est deeeep ici!! »
En effet ce micro izakaya a tous les attributs du super deep : tenu par une mamie de 85 ans en tenue traditionnelle, la déco est composée de nombreux clowns et chats en porcelaine (j’ai jamais compris comment on pouvait se passionner pour les clowns et les chats en porcelaine), de vieilles photos de nu, de poupées en plastique, de calendriers avec des photos de chats, déco traditionnelles japonaises et bouquets d’orchidées.
Comment autant de bon goût peut-il se réunir dans un si petit lieu ?
Elle cuisine de l’oden (un plat d’hiver mijoté) et son plat signature est le tamago-oden (œuf oden).
Vous devez d’abord manger le blanc de l’oeuf et SEULEMENT le blanc puis écraser le jaune et lui rendre votre gamelle.
Ensuite, elle vous sert un plat à base de viande (je préfère ne pas trop savoir quelles parties – à une époque ils vendaient de la cervelle de bœuf et autres choses illégales dans ce resto), et ensuite, avec ce qu’il reste , on vous sert une soupe.
Ca coûte rien du tout : à 4 avec nourriture et bières on s’en est sorti à à 2500 yens en tout (à peine plus de 20 euros).
Pour terminer notre visite du quartier, nous sommes allés dans une boutique curiosités / fringues vintages / librairie underground et mangas.
Comme Izumi, j’espère que ce genre de quartiers ne disparaitront pas. Elle les qualifie de patrimoine mondial du Japon de l’ère Showa.
Les adresses :
Padokku (kushi-age) : 12-9 Osuga-cho, Minami-ku, Hiroshima
Tariq (karaoke) : 12-9 Osuga-cho, Minami-ku, Hiroshima
Saké bar Maru : 12-2 Osuga-cho, Minami-ku, Hiroshima
Senbei la nouille molle
février 22, 2015
Ma chérie, tu penseras à changer ぽっどく en ぱっどく, hein ?
Je doute que ça coûte la peau du cul, malgré la référence turfiste (Paddock…tsé, le cheval sur l’enseigne du rade, etc).
Sinon, c’était sympa.
Senbei, pointilleux.
Judith Cotelle
février 23, 2015
Tu vas devenir le proofreader officiel de ce site, et je te dois un verre, j’ai réussi à appeler l’imprimeur in extremis pour corriger la faute sur le mag avant qu’il ne soit imprimé !
Je sais pas pourquoi, on a tous eut un souci avec le nom de ce lieu : Izumi dans son article en japonais l’avais écrit ぱどっくす Paul l’avait retranscrit Poddokusu dans la traduction en anglais, j’ai bloqué sur leur す/su en trop et finalement j’ai appelé ça ぽどっく Poddoku dans mon article…
Voyage Way
mai 06, 2015
Ce quartier d’Hiroshima a l’air bien sympa. Un véritable cliché des petites ruelles japonaises que l’on peut retrouver dans de nombreuses villes du Japon en les cherchant bien !
Je compte passer 2 jours à Hiroshima lors de mon prochain voyage au Japon qui approche: c’est pour juin!
Je note et j’irai surement faire une balade dans ce quartier 😉
Merci!