La préfecture de Yamaguchi
Fin novembre, on cherchait une destination pour se faire un ryokan et on a décidé d’aller passer 2 jours dans la Préfecture voisine de Yamaguchi. À l’extrême sud-ouest de l’île de Honshu, entre la mer de Seto et la mer du Japon.
Je ne connaissais qu’une partie de Yamaguchi : Iwakuni et le magnifique pont de Kintaikyo à l’est, les îles d’Ōshima au sud, et celle de Tsunoshima au sud-ouest, où nous avions fait un camp entre filles en 2007. J’étais donc très excitée à l’idée de découvrir un peu plus cette région qui m’évoque mystère, végétation luxuriante, villages historiques et fugu !
A visiter dans la préfecture de Yamaguchi
Il y a plein de choses à faire dans cette préfecture, malheureusement, le territoire étant très étendu et les points d’intérêt touristiques assez dispersés, ce n’est pas évident sans voiture. Je n’ai pas non plus trouvé de site vraiment bien fait sur la région (je vous laisse rigoler un peu avec ça si vous voulez), donc je vous ai fait une petite sélection :
- De jolis villages historiques : Yanai, ses murs blancs et ses lanternes de papier en forme de poisson. Hagi, les ruines du château, la vieille ville avec ses résidences de samouraïs et entrepôts à l’architecture unique.
- Des grottes : Akiyashido (autres liens ici et là), des gorges et cascades : Chomonkyo, les gorges de Jakuchi, Yakasakyo , la vallée de Sekichu-kei
- Des côtes et plages sublimes : Kikugahama, avec son sable blanc et ses pins. La baie de Susa et ses falaises abruptes. Omijima avec son eau turquoise (un article complet ici), les pins sur les rochers qui surgissent de l’eau. Suo-Oshima avec son petit port de pêche. Kitaura, Niinohama, etc
- Des rizières en terrasse : Higashi Ushirobata
- Des temples et des sanctuaires : le sanctuaire de Motonosumi Inari avec ses 123 torii rouges en bord de mer. Le sanctuaire Hofu Tenmangu et ses jolis pruniers (l’un des 3 plus importants Tenmangu du Japon). Le sanctuaire Myojin avec son petit étang. Le sanctuaire Akama, rouge vif et blanc, avec son surprenant bassin intérieur. Le temple Rurikō-ji et sa pagode à 5 étages (on va en parler dans cet article).
- Des parcs et jardins : le Chofu Teien, le parc Makizakikaze sur les côtes de la mer du Japon.
- De nombreux onsens : Principalement à Yuda-onsen et Yumoto-onsen.
On trouve tout de même des infos intéressantes sur Setouchifinder et sur Japantravel mais ça reste un peu fouillis, si on ne sait pas ce qu’on cherche.
Une préfecture d’importance dans l’histoire du Japon
Je ne vais pas trop rentrer dans les détails, mais la Préfecture de Yamaguchi fut à une époque une région extrêmement prospère, et influente sur le plan culturel et politique. Avec de nombreuses familles de nobles, riches marchands et clans de samouraïs très puissants. Elle a joué un rôle important pendant l’Époque Sengoku (l’ère des provinces en guerre 1467-1568).
Au 14e siècle, le clan Ouchi s’inspira de l’architecture, des jardins et de l’organisation de Kyoto, alors capitale du Japon, pour dessiner les plans de la ville de Yamaguchi qui fut alors surnommée « la Kyoto de l’Ouest ». Elle était même considérée comme une éventuelle capitale alternative. Saint François Xavier déclara que c’était la ville la plus avancée du Japon à l’époque (16e siècle).
C’est dans cette préfecture que le Shogunat de Tokugawa fut plus tard renversé et le gouvernement Meiji mis en place en 1868, mettant fin à l’époque féodale d’Edo et faisant ainsi entrer le Japon dans la modernité. 4 des 9 premiers ministres du gouvernement Meiji (dont Itō Hirobumi, le tout premier) venaient de la préfecture de Yamaguchi.
Mais passons à notre week-end sur place !
Première journée de notre week-end dans la préfecture de Yamaguchi
Shimonoseki et le marché aux poissons de Karato
Comme on adore les marchés on a décidé d’aller faire un tour à celui de Karato (唐戸市場 Karato Ichiba), sur le port de la ville de Shimonoseki, où se trouve le pont qui relie Honshu à Kyushu.
Après un trajet de 52 min en shinkansen d’Hiroshima à Shin-Shimonoseki, on a pris un train JR qui relie Shimonoseki en 9 min (6670¥ au total). Puis on a décidé de faire le trajet jusqu’au marché à pied. Ça n’en vaut pas tellement la peine, alors je vous conseille plutôt de vous y rendre en bus.
On n’a pas visité le reste de la ville, mais ce coin-là nous a donné à tous les deux l’étrange impression d’avoir été transporté dans les années 80. Je ne serais pas dire exactement pourquoi, mais tout : la luminosité, l’atmosphère, les gens, leur allure, nous ont replongé dans notre enfance et ce n’était pas désagréable.
Il règne une ambiance très joyeuse dans les allées et sur les stands animés de ce marché qui grouille de monde. Ce qui fait sa particularité, c’est que c’est à la fois un marché de vente en gros, où ont lieu des enchères jusqu’à 7h, et de vente directe au détail par les pêcheurs. Et les prix sont extrêmement bas, contrairement à Tsukiji. (À ce propos, je vous conseille de lire l’article de Camille sur les mythes concernant le marché de Tsukiji).
On peut également y acheter des plats à consommer immédiatement : sushi, sashimi, chirashi, brochettes, coquillages cuits au barbecue, etc. Le prix du plateau de sashimi de fugu est particulièrement intéressant : 900¥ pour un plateau de tora-fugu (ou « fugu tigre », une espèce de très grande qualité). Il faut habituellement compter dans les 5000¥ pour la même quantité dans un restaurant.
On s’est donc pris un plateau de fugu, des sushis et un uni-ikura-maguro-don (oursin, œufs de saumon et thon). Le poisson est évidemment d’une fraîcheur incroyable et délicieux, et l’ikura était à tomber ! Mais les sushis en eux-même n’avait rien d’exceptionnel. Ils sont en effet préparés par des pêcheurs ou poissonniers et non par des chefs sushi professionnels. Le riz du chirashi était également un peu décevant. Bon après, on n’a pas essayé tous les stands…
Car oui, avoir du bon poisson c’est indispensable, mais la découpe parfaite du neta, la préparation du nigiri, et la pression exercée pour assembler les 2, entre autre, entrent aussi en compte pour faire un bon sushi. Je connais d’ailleurs un excellent cuisinier qui travaille depuis plus de 20 ans dans la cuisine traditionnelle japonaise, a été employé par des restaurants de grande renommée à Kobe, Osaka et Hiroshima et qui est donc parfois amené à confectionner des sushis. Mais il admet qu’il n’aurait pas le niveau pour être embauché dans un vrai restau de sushi. C’est pas pour rien qu’il faut minimum 10 ans d’apprentissage.
On aurait peut-être dû monter au 2ème étage où se trouvaient des restaurants de sushi qu’on n’a remarqués qu’après, mais en même temps ça avait son charme de manger directement sur le marché. Il y avait de grandes tablées vers l’entrée, mais faute de place, on s’est fait un petit camp de fortune sur des morceaux de carton.
Comme je vous l’ai dit plus tôt, la préfecture de Yamaguchi, et plus particulièrement Shimonoseki, sont réputées pour le fugu (oui, le poisson mortel quand il est mal préparé). Vous trouvez donc des mascottes à l’effigie du poisson globe un peu partout dans la ville.
Site officiel du marché Karato (JP) : www.karatoichiba.com / un autre site en anglais
De l’autre côté du pont Kanmonkyo, c’est Kitakyushu qu’on aperçoit. Une ville notamment réputée pour ses gangs de yakuzas, et certainement pour d’autres choses, mais ce n’est pas le sujet de l’article.
La suite du séjour à Yudaonsen
On a ensuite repris la route en direction de Yudaonsen (湯田温泉) où se trouvait le ryokan qu’on avait réservé. 67 min de train jusqu’à Shin-Yamaguchi et 19 jusqu’à Yudaonsen (1490¥).
On a traversé la campagne tout le long, et la vue était vraiment chouette, surtout avec ce ciel gris et lumineux en arrière-plan : des plaines et champs vert tendre, des mandariniers, de somptueuses maisons traditionnelles souvent plutôt opulentes.
Après avoir été accueilli à la gare par ce spectaculaire renard blanc, comme toujours, on a eu envie de marcher pour rejoindre notre ryokan. Mais sous-estimant une fois de plus légèrement la distance (« ouai, t’inquiète, en 5-10 min on y est, à vue de nez… »), on a dû se résoudre à monter dans un taxi à mi-chemin.
Et ce renard blanc alors, c’est quoi ? Selon la légende, il y a fort longtemps, un moine bouddhiste aurait observé un renard blanc venant tous les soirs tremper sa patte blessée dans un petit étang. Perplexe, le moine décida de creuser sous l’étang (ils avaient grave de temps à l’époque). De l’eau chaude surgit et une statue d’or de Yakushinyorai (le bouddha de la guérison) apparut. Le moine en conclut que l’eau devait avoir des vertus guérissantes. C’est ainsi que les sources d’eau chaudes de Yudaonsen furent découvertes… et qué s’apélorio Quezac.
La ville de Yudaonsen a un joli site (mais en japonais uniquement) : www.yudaonsen.com
Une nuit au ryokan Sansuien
On a choisi un ryokan aussi beau à l’extérieur qu’à l’intérieur (ce qui est malheureusement rarement le cas). Le ryokan Sansuien (山水園) possède un magnifique jardin japonais et se situe en pleine nature. C’est un ryokan où l’Empereur a déjà séjourné et l’okami (l’hôtesse) nous a même dit qu’un acteur chinois ayant joué dans Star Wars était venu y chercher le calme avec sa famille.
L’okami nous a ensuite guidé à travers les couloirs labyrinthiques menant à notre chambre. Le ryokan étant quasiment vide en ce milieu de semaine, on se serait un peu cru dans Shining, prêts à voir débarquer un petit en tricycle ou deux petites jumelles flippantes au bout d’un couloir.
Après qu’elle nous ait expliqué tout le déroulement, on a enfilé nos yukata et profité de la demi-heure qui nous restait avant notre réservation du bain familial pour s’enfiler une petite bière.
1h au onsen du ryokan
On a ensuite emprunté le petit chemin extérieur menant au onsen dans l’obscurité. Comme dans tout onsen, les eaux de celui-ci ont des vertus incroyables et soignent tous les maux de la terre, vous rendent encore plus bonne que la plus bonne de tes copines, etc… Y a quand même une petite odeur de souffre, mais en se baignant dans le rotenburo (bain en plein air) ça passe à l’aise. Et on peut même boire l’eau du onsen (pas directement dans le bain, hein ! je vous rassure).
Le repas kaiseki
On a pris le repas dans la chambre, ça va de soi ! De tous les ryokans que j’ai fait, c’était loin d’être le repas plus impressionnant mais c’était tout de même très bon et moins gargantuesque que d’habitude (ce qui veut dire que pour une fois j’ai presque réussi à tout finir). Je n’ai pas pris tous les plats en photo mais en voici quelques uns :
Le dobinmushi c’est en général du poulet, de la crevette, du poisson blanc, de la noix de gingko (ginnan) et une herbe très parfumée (mitsuba) dans un bouillon sur lequel on presse un agrume (yuzu, sudachi, kabosu, etc). On boit d’abord le bouillon puis on mange ce qu’il reste à la fin.
Le choix des desserts (des gelato) était assez intéressant : sel, matcha, gingembre ou hōji-cha. Le goût « sel » nous a intrigué, le matcha nous a paru trop classique, du coup on a opté pour les deux derniers. La glace gingembre était délicieuse mais au bout d’un moment ça piquait un peu la langue et la gorge. Celle au hōji-cha (une sorte de thé assez doux), en revanche, était juste parfaite.
Après ça, on nous a installé nos futons, en mode « no touche-pipi » comme d’hab (deux lits bien séparés) et on a pas tardé à sombrer paisiblement dans le sommeil.
Deuxième journée de notre week-end dans la préfecture de Yamaguchi
Le petit dej’ dans la chambre
Oui, ça s’était vraiment la classe américaine : le repas dans la chambre j’étais habituée, mais pour l’instant j’avais toujours mangé le petit dej’ dans la salle commune. Notre chambre donnait sur un petit jardin intérieur, et c’était une vue plutôt agréable au réveil. Surtout par cette belle matinée ensoleillée.
Comme cette fois-ci il n’y avait pas de salle de bain dans la chambre, on est retourné faire un tour au onsen avant de quitter le ryokan. J’avais une petite hantise à cause des tatouages, puisqu’on devait utiliser les bains communs, mais le Gracieux m’a fait « mais t’inquiète ! qu’est-ce que tu te prends la tête ! ». Et au final il n’y avait pas un chat, donc le problème était réglé.
Ballade dans le jardin du ryokan
Je suis pas très douée pour prendre les carpes koi en photo mais il y en avaient de très belles, et énormes.
Après cette petite balade fort sympathique dans le jardin du ryokan, on est allé salué le bienveillant renard blanc une dernière fois du côté de la gare, puis on s’est mis en route pour Yamaguchi (la ville).
Ça ne prend que 3 min (et 140¥) en train, mais l’attente jusqu’au prochain départ étant un peu longue, on y est allé en taxi.
Visite du temple Rurikō-ji à Yamaguchi
Le temple Rurikō-ji (瑠璃光寺) est surtout connu pour sa pagode de cyprès à 5 étages. C’est l’une des 3 plus raffinées du Japon avec celle du Horyuji de Nara et du Daigoji de Kyoto. C’est aussi l’une des 10 plus anciennes du Japon. Elle a été érigée en 1399. Le temple, lui, était avant situé ailleurs et n’a été déplacé là qu’en 1690 (oui, au Japon, il n’est pas rare qu’on déplace les monuments comme des camping cars).
Je sais pas si c’est la région ou la saison, mais on a croisé un bon paquet d’araignées super balèzes dans le Yamaguchi.
La préfecture de Yamaguchi produit de nombreux fruits, dont cette variété de mandarines (温州みかん unshū mikan) qu’on récolte à cette saison et qui ajoutent une touche orangée aux sublimes palettes de couleurs d’automne.
Avant de quitter Yamaguchi, on a été faire un petit tour au jardin Sesshutei du temple Joeiji, mais on n’a pas trouvé ça fantastique.
Bien que capitale de la préfecture, la ville de Yamaguchi est quant à elle en train de se désertifier depuis que le shinkansen s’arrête à Shin-Yamaguchi et que les commerces et la population s’y déplacent. On y a juste pris un café avant de reprendre le train en direction d’Hiroshima.
Le petit mot de la fin
On n’aurait évidemment aimé visiter beaucoup plus de choses mais étant limité par le temps et les moyens de transport, on n’a pas pu faire plus. Cependant ça nous a bien plu et on aimerait y retourner pour explorer d’autres coins, notamment du côté de Hagi et Nagato.
C’est une région pleine de charmes et d’attraits qui mérite d’être découverte, mais il me paraît encore difficile de trouver des informations surtout en langue étrangère et les photos sont souvent peu attrayantes. Alors j’espère que mon article pourra modestement vous aider un peu.
Si nos autres aventures au ryokan vous intéressent :
- Yufuin, dans la préfecture d’Oita (Kyushu) : Les sous-doués au ryokan
- Tamatsukuri onsen, dans la préfecture de Shimane (Chugoku) : Week-end à Tamatsukuri Onsen et au sanctuaire Izumo Taisha
Céline VILLENEUVE
décembre 09, 2016
Wow ! Le ryokan est magnifique (et toutes les photos également !)
Judith Cotelle
décembre 09, 2016
Merci beaucoup !!
Nuitori
décembre 10, 2016
Un article vraiment intéressant qui donne très envie de découvrir cette région du Japon.
Merci beaucoup pour le partage de votre expérience.
Judith Cotelle
décembre 10, 2016
Merci beaucoup votre commentaire.
J’espère que ça donnera envie à d’autres d’aller découvrir cette région. Ca peut faire une étape sympa entre la région de Setonaikai et Kyushu qui sont pour l’instant encore peu visitées.
Julie
décembre 13, 2016
OMG ! Mais c’est quoi ces araignées mutantes de la mort ?! Je crois que je me baladerais toujours avec une capuche de peur qu’elles me tombent sur la couenne et que je meurs d’une crise cardiaque. En tout cas (à part les arachnides de l’enfer) ton article donne envie (comme d’habitude). J’admets être très tentée par ce marché orgiaque où mes papilles ne sauraient à quel met se vouer. En tout cas continue à nous faire partager tes aventures 🙂 .
A plus !
Judith Cotelle
décembre 13, 2016
Merci beaucoup ! et quel joli commentaire !
Pas d’inquiétudes, sur le marché pas d’araignée, juste du régal !
jeremy
décembre 14, 2016
J’ai envie de passer ma vie dans un rotenburo…Sympa cet article et ca fait decouvrir des coins pas tres connus. Et j’aime beaucoup l’anecdote
« C’est un ryokan où l’Empereur a déjà séjourné et l’okami (l’hôtesse) nous a même dit qu’un acteur chinois ayant joué dans Star Wars était venu y chercher le calme avec sa famille »
Ce moment ou tu sais pas trop si tu dois faire une fierté de cette histoire ou pas.
Judith Cotelle
décembre 14, 2016
Haha, oui sinon c’est la vie le rotenburo !