L’idée d’aller passer le jour de l’an à Kyoto nous est venue lorsque j’ai présenté S. meilleur pote du Gracieux et originaire de Kyoto à mon amie, ancienne colocataire et coiffeuse, T.
J’avais jusqu’ici plus ou moins passé tous les réveillons de la même manière à Hiroshima, en dehors de celui passé à la montagne la toute première année en 2007, donc le projet était plutôt excitant.
Une fois le plan validé par chacun, on s’est tous immédiatement mis en quête d’un hôtel (mi-octobre) et on n’était pas parti pour faire nos difficiles mais malheureusement tout était déjà archi complet. Kyoto est une ville déjà ultra touristique en temps normal mais elle est en plus de ça particulièrement prisée des Japonais à la période du jour de l’an (et oui, les temples tout ça..). On comptait un peu sur S. pour nous trouver des bons plans mais c’est finalement moi qui ai déniché le super logement (pour 2800¥ chacun) : sur AirBnb (et oui, les Japonais ne connaissent pas encore très bien ce système qui s’implante lentement et depuis peu dans le pays). Je me suis donc occupé de réserver et de communiquer avec le propriétaire.
Le 31 vers 17h, une fois que T. avait fermé son salon (dont j’avais créé l’identité visuelle il y a quelques années) on a grimpé dans le Shinkansen et ouvert nos premières cannettes de bière (il n’y a qu’1h40 de trajet depuis Hiroshima).
Notre propriétaire AirBnb est venu nous chercher à la gare de Gion-Shijō et nous a fait visiter l’appart : un ancien karaoké-bar avec comptoir au rez-de-chaussée, et chambre washitsu (和室 chambre japonaise avec sol en tatami) à l’étage, équipée de 3 énormes matelas gonflables et d’une télé, dans une maison traditionnelle kyotoïte.
– Si vous rentrez pas trop tard, vous pourrez regarder le Kōhaku (l’émission musicale ultra populaire du 31), mais sinon vous inquiétez pas, vous pouvez faire du boucan jusqu’au petit matin, y a que des bars aux alentours !
Autant dire que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd..
Le mec était plutôt délire. Il tient lui-même un bar dans la même petite ruelle. Il nous aussi montré une paire de cornes rouges à se mettre sur la tête en chantant, et à ce stade de la soirée, on aurait jamais imaginé qu’elles serviraient autant..
Début de soirée à Shokudō Shimizu 食堂しみず 祇園店
Une fois installés, S. a contacté son pote I. que l’on devait rejoindre à la fin de son service dans le restau où il travaille Shokudō Shimizu. Le hasard a fait que notre maison se trouvait juste dans l’arrière ruelle, à moins de 15 secondes.
Le plat dans le bol noir à l’angle droit de la photo, c’était des artères de bœuf, celles qui partent du cœur… non, merci.. mais heureusement on a mangé plein d’autres bonnes choses : tataki de wagyū (bœuf japonais cuit seulement à l’extérieur), une délicieuse salade, un jumbo champignon, etc..
J’ai commencé à me faire une idée du personnage de I. quand il s’est mis à se servir dans nos plats sans même nous demander notre avis : un mec très drôle qui s’en fout un peu de tout..
Rub-a-dub, le mythique bar reggae de Kyoto
On a ensuite décidé à l’unanimité d’aller faire un tour au bar Rub-a-dub, le plus ancien bar reggae de l’archipel (milieu des années 80), celui des initiateurs / importateurs du Reggae au Japon, les premiers Japonais qui ont voyagé en Jamaïque. Un des membres de Big Stone (Hiroshima), qui a fait sa formation de moine bouddhiste à Kyoto, en parlait d’ailleurs dans cet article que j’ai écrit l’année dernière.
Situé en sous-sol, l’ambiance est chaude, relax, la musique (reggae, dub) et le système son (des basses bien fat et rondes) sont excellents.
La clientèle n’est sûrement plus la même que celle des débuts cependant : très jeune, pas mal de touristes asiatiques..
Comme on avait seulement grignoté dans le premier restau, on a commandé quelques plats jamaïcains et c’était un régal !
Countdown au Club Metro
Après quelques tergiversations et coups de fil à un couple d’amis qui se trouvaient aussi sur Kyoto ce soir-là, on a décidé d’aller au Club Metro pour le countdown. D’après leur site, ce club, situé comme son nom l’indique, dans le métro de Kyoto, est le plus ancien du Japon, et il a reçu des artistes tels qu’Aphex Twin, Daft Punk, Africa Bambaataa, Jeff Mills, Derrick May, etc.. C’est aussi là qu’ont débuté des artistes kyotoïtes devenus depuis célèbres comme Kyoto Jazz Massive.
Un verre au shot bar Rat & Boar
On comptait continuer dans un autre grand club : World, mais arrivés les premiers avec le Gracieux, après 20 minutes à attendre un taxi sous la pluie (oui, à Kyoto, et d’autant plus ce jour-là, c’est la misère pour en choper un), et en voyant la queue devant le club en question, on a décidé d’attendre les autres dans un shot bar situé jusqu’à côté : le Rat & Boar.
Je ne connais pas la définition officielle d’un shot bar, mais d’après ce que j’ai observé jusqu’à présent, ça se caractérise en général par un comptoir seulement (pas de tables ni de boxes), une ambiance assez raffinée d’inspiration occidentale, un barman tiré à 4 épingles qui connait bien son boulot et maîtrise l’art du cocktail, et des sélections assez pointues de whisky et scotch.
En fouillant un peu sur des sites de Q&A japonais (oui, les Japonais non plus ne savent pas), il semblerait que ce qui distingue un shot bar des autres types de bars (comme les snack bars par exemple) est le fait qu’on commande au verre (one shot) et non à la bouteille (pas de bottle keep non plus), certains ajoutent aussi qu’on y est servi par un barman et non par des hôtesses et que l’ambiance y est généralement calme.
Retour vers le QG et passage au conbini
Sur le retour, on suivait un taxi au coffre archi plein de valises et cabas, maintenu par des tendeurs, et là j’ai eu envie de pleurer de rire quand les mecs se sont mis à chanter « léléla » (Tonton du bled)… (leur nouvelle passion, ils nous avaient déjà fait le coup au Saké Matsuri de Saijō).
On est ensuite allé faire des provisions pour la nuit au conbini de notre quartier.
D’après mes amis, le pâté de maison était certainement une seule et unique résidence autrefois.
Karaoké jusqu’au petit matin dans notre maison
Ensuite on s’est lâché pendant des heures au karaoké dont était équipé le rez-de-chaussée de notre logement.
I. a nous a fait son show toute la nuit derrière le comptoir tout en jouant le fils du vitrier devant l’écran sur lequel s’inscrivent les paroles des chansons.. Le seul point faible de notre logement était la douche (c’était cependant bien précisé dans la description sur AirBnb), mais ça n’a pas gêné I-kun le moins du monde.. (je ne pense pas qu’il y ait grand chose qui le gêne dans la vie en même temps…)
Il a dû dormir moins d’1 heure, coincé entre 2 matelas avant de repartir bosser et apparemment il se tape aussi 40km de vélo par jour, un garçon plein d’énergie…
Hatsumōde au sanctuaire Yasaka-jinja à l’aube
Étant les derniers debout, le Gracieux et moi avons décidé de faire notre première visite (初詣 hatsumōde) de l’année au sanctuaire Yasaka-jinja qui se trouvait à à peine 3 min de notre logement. À 6h du matin, les rues étaient encore assez animées et on a croisé pas mal de gens qui continuaient à boire dans l’enceinte du sanctuaire.
Je ne sais pas si elles se relaient mais même à cette heure, les miko (巫女) assurent le service.
Si vous apprenez en lisant les tableaux pour l’année à venir, que vous entrez dans une année de malchance (厄年 yakudoshi) comme c’est le cas pour moi cette année, pas de souci, vous pouvez vous rendre au comptoir de purification (厄払い yaku-harai) et d’annulation des mauvais sorts (厄除け yakuyoke) et on en parle plus ! (J’adore le pragmatisme jusque dans la religion au Japon).
Et on est finalement rentré pour dormir quelques heures seulement…
2ème journée à Kyoto : Soba, visite du Shōgunzuka Seiryuden et prière à Fushimi Inari
Après un petit rangement / ménage des restes de la fête de la veille (dont nous a félicité le propriétaire) on est parti en quête d’un lieu où prendre notre premier repas de l’année. S. nous a emmené dans une soba-ya à proximité : Gonbée (権兵衛).
Les autres ont choisi des soba au canard (鴨なんば Kamo nanba) mais moi j’ai préféré les prendre au poulet (鳥なんば Tori nanba) de peur que le canard soit dur et impossible à mâcher comme j’en ai déjà fait l’expérience.
Ils ont aussi commandé des tamagodon (玉子丼) : bol de riz à l’œuf et à la sauce soja qui étaient juste à mourir !, mais je n’aurais pas réussi à tout finir.
On a ensuite passé un temps interminable à essayer de choper un taxi. Oui toujours ce problème à Kyoto, alors qu’à Hiroshima, jamais aucun souci, suffit de lever la main.
On a fini par y arriver et on s’est dirigé vers Shōgunzuka (将軍塚), un lieu qui offre une vue splendide sur tout Kyoto. C’est un lieu appartenant à la secte Tendai Shorenin, où sont également organisés des expos et des évènements liés à la mode. On y trouve aussi une maison de thé faite de verre.
Le chauffeur nous y a déposé, et nous a proposé de nous attendre sachant qu’on aurait certainement du mal à trouver un autre taxi pour le retour. Il ne nous a même pas demandé de payer avant que l’on entame notre visite ! Il n’avait toujours pas trouvé le temps de manger ce jour-là mais il avait tout de même le sourire. (c’est décidément 2 mondes différents les taxis français et les taxis japonais…)
Comme prévu, on a récupéré notre taxi qui nous a parlé d’histoires de yakuza jusqu’à la gare et de là, on a pris le train jusqu’au sanctuaire Fushimi Inari. Je pensais qu’on y allait pour se balader mais j’étais bien naïve. On s’apprêtait juste à vivre l’enfer, ce qui est ironique puisqu’on y allait pour faire une prière (参拝 sanpai – visite au sanctuaire ou temple) ainsi qu’une offrande (賽銭 saisen), enfin jeter les pièces jaunes qui s’amassent au fond du portefeuille et en profiter pour faire des vœux.
On a mis plus d’une heure de la sortie de la gare jusqu’à la boîte à offrande (賽銭箱 saisenbako), ce qui prendrait 10 min au plus en temps normal, compressés dans une foule ultra compacte alors qu’on était tous dans un état lamentable. On n’a du coup pas eu le temps d’aller visiter les magnifiques allées de torii caractéristiques de ce sanctuaire, mais heureusement j’avais déjà visité le lieu en 2009. Le Gracieux devait avoir une sacré longue liste de vœux à faire exaucer parce qu’il est resté une éternité à prier après avoir jeté ses pièces. (« alors je voudrais une nouvelle Playstation, la collection complète Fred Perry printemps-été 2016, …. »)
Après ça, on s’est à nouveau tapé une bonne demi-heure de galère pour trouver un taxi et retourner à la gare où on a dit au revoir à S. qui restait sur place pour passer Shōgatsu dans sa famille. Une fois dans le shinkansen, la fatigue universelle s’est abattue sur nous et on a tous dormi comme des loirs.
Comme cet article est finalement bien plus long que prévu, on parlera de Shōgatsu dans le prochain épisode !
Dave
mars 07, 2016
La caractéristique principale des ‘shot bars’ japonais (outre ce qui est mentionné ci-dessus), c’est qu’il n’y a en principe pas de ‘table charge’…