Cap sur Kaifu
On avait décidé de profiter d’un week-end de trois jours pour aller se détendre à la campagne. Et pour cela rien de tel que l’île de Shikoku, située entre la mer de Seto et l’océan Pacifique. La plus petite des quatre grandes îles japonaises est en effet réputée, entre autre, pour sa nature sauvage et préservée, ses montagnes verdoyantes, ses forêts denses, ses splendides côtes et ses rivières cristallines.
On visait au départ Kochi, mais on a finalement jeté notre dévolu sur Kaifu (海部), à l’extrême sud de la préfecture de Tokushima, où nous avions trouvé un super logement. Ce n’est pas une destination particulièrement connue mais justement, l’idée de se retrouver loin des foules nous séduisait plutôt.
Comme la route jusqu’à Kaiyō est assez longue depuis Hiroshima (5 à 6h) et qu’on partait à 19h sous la pluie, on a passé la nuit à Kurashiki (préfecture d’Okyama). On préférait de toute façon traverser le Grand Pont de Seto de jour, pour profiter du paysage.
Arrivée sur l’île de Shikoku et arrêt dans la ville de Tokushima
On a repris la route vers 9h du matin et la traversée du Grand Pont de Seto (瀬戸大橋 Seto Ōhashi), qui relie les préfectures d’Okayama (sur Honshu) et de Kagawa (sur Shikoku), a dû malheureusement se faire sous une épaisse brume.
On est arrivé pile à midi, sous une chaleur écrasante, pour déguster les fameuses ramen de Tokushima. On a évidemment choisi Inotani, le restaurant le plus réputé de la région pour cette spécialité. Bien qu’il y ait de la place pour 40 personnes dans l’établissement, il était plein et il fallait faire la queue, mais on n’a quasiment pas attendu.
Juste derrière nous se trouvait Kazuyoshi Saito, un célèbre chanteur et parolier, qui a ajouté un autographe au mur déjà bien rempli.
Inotani a ouvert en 1966, et je doute que le décor n’ait beaucoup changé depuis, tout comme le reste de la ville d’ailleurs. C’est très rétro et l’agencement est assez particulier : 2 grandes tables de 20 places chacune, disposées en cercle. Ce qui fait que tout le monde mange face à face, peut-être pour pousser les gens à avaler leur bol et céder la place au suivant.
Les ramen de Tokushima se composent d’un bouillon plutôt salé à base d’os de porc et de sauce soja. Elles sont garnies de travers de porc, pousses de bambou, pousses de soja et negi, et on y ajoute habituellement un œuf cru pour adoucir le plat.
À partir de Tokushima, plus d’autoroute. On a dû emprunter la route nationale 55 bordée de petites villes qui m’ont donné l’impression d’avoir été transportée dans les années 80. Un méli-mélo d’habitations de faible hauteur, rectangulaires, aux toits plats et aux murs blancs ou colorés, et de maisons traditionnelles. Beaucoup de taule ondulée, souvent rouillée, des stations essence abandonnées, des palmiers par-ci par là… Malgré ce que pourrait laisser penser ma description, c’était plutôt photogénique. Je me serais d’ailleurs arrêtée tous les 10 mètres si j’étais seule.
Découverte de notre logement : Island Terrace
Comme je l’expliquais au début, c’est cette maison avec vue sur l’océan Pacifique, située dans les pentes d’une colline, qui nous a fait choisir notre destination, Kaiyō (海陽町). En pleine nature, spacieuse, lumineuse, bien équipée et munie d’une terrasse prévue pour les barbecues, on a complètement craqué pour cette trouvaille faite sur Airbnb.
Balade à Shishikuiura (宍喰浦)
Le paradis des surfeurs
Si Chiba et Miyazaki sont généralement beaucoup plus connus, certains considèrent Kaifu comme le meilleur spot de surf du Japon. Bien que plutôt réservées aux surfeurs aguerris à cause des digues, tétrapodes, rochers et courants de baïnes, les vagues sont paraît-il d’une qualité exceptionnelle.
C’est d’ailleurs amusant de voir cette faune de surfeurs et surfeuses aux looks décontractés (dreadlocks, peau tannée, etc) se mêler à la population locale plutôt âgée.
La Baie de Mitoko (水床湾)
La baie de Mitoko c’est habituellement le spot idéal pour réaliser des photos carte postale, malheureusement le ciel était particulièrement sombre et couvert ce jour-là (puis je ne suis pas extrêmement douée, je l’admets)…
Mais c’est aussi un lieu recommandé pour la pêche et le SUP. On y avait repéré un petit resto sur pilotis où on aurait bien passé une soirée, mais notre court séjour ne nous l’a pas permis.
Village de Shirahama (白浜), dans la préfecture de Kochi
Ce petit village m’a plu mais ne mérite probablement pas de figurer dans votre liste de lieux à visiter. Il n’y a rien de particulier à voir, mais comment vous dire ? Personnellement, je suis plus attachée à l‘atmosphère des lieux, aux petites choses de tous les jours sans importance, pourtant si différentes dans chaque région du monde. Les odeurs, les ambiances, les couleurs, les lumières, les sons, les supermarchés.
J’ai visité pas mal de pays, mais j’ai rarement fait de voyages touristiques à proprement parler. Je préfère largement les destinations où des locaux peuvent m’accueillir et me montrer leur quotidien. C’est comme ça que j’ai « vécu » Alicante, Wildwood, Londres, Istanbul, Kuşadası, Tokyo, New York ou Blagoevgrad, et surtout Hiroshima la première fois.
Même si personne n’était là pour nous accueillir, on s’est simplement baladé dans ce petit village paisible en fin d’après-midi. On ne trouve là quasiment aucun commerce : pas de conbini, juste une supérette, une banque, une poste et une boutique de tatami (qui deviennent rares). On a croisé quelques vieillards sur leurs vélos et depuis la rue, on pouvait entendre les retransmissions de sport provenant des salons. Ça nous a donné le sourire.
Soirée barbecue
Le barbecue ! Et oui, c’est un peu comme ça qu’était vendue la villa Island Terrace.
Notre maison étant la seule éclairée sur la colline, on a vite attiré tous les insectes du coin : moustiques, punaises, coléoptères, mantes religieuses, sauterelles, papillons de nuit… ça a vite commencé à ressembler au clip de Love is all !
Même une fois rentrés à l’intérieur, les chats du patelin sont venus faire des rondes pour nous observer à travers les baies vitrées, sûrement en quête de quelques restes.
Les cascades de Todoroki (轟の滝)
Le lendemain, on s’est levé bien plus tard qu’on ne l’avait prévu. Du coup on a bondi dans la voiture sans même prendre de petit de dej’.
Il faut compter une petite heure depuis Kaiyō, mais la route est charmante : routes sinueuses à travers les montagnes coiffées de forêts luxuriantes, rivières bleu turquoise… Et la brume ce jour-là rendait le tout un peu mystique.
Mais du coup on crevait la dalle une fois arrivés sur place. Heureusement la petite mémé qui tenait la boutique de souvenirs à l’entrée du site nous a réchauffé quelques takoyaki et des yaki-onigiri au micro-onde. Bien qu’on soit un dimanche de long week-end, on n’a quasiment croisé personne.
Cette cascade est considérée comme la divinité des lieux. Mais difficile de s’en approcher sans finir trempé !
Le site est également connu sous le nom de Todoroki Kujūku-taki (轟九十九滝) : les 90 cascades de Todoroki. On peut en effet poursuivre l’ascension pour admirer d’autres cascades, mais il faut certainement s’y rendre un peu mieux équipé que nous. Après la 2ème, le sol était couvert d’eau, on a donc à notre grand regret dû renoncer à notre randonnée.
Déjeuner super copieux à Ajimasa
Malgré le petit en-cas à Todoroki, on avait besoin d’un vrai repas. On s’est donc arrêté vers 15h30 chez Ajimasa (味政), un petit resto du côté de la baie d’Asakawa (浅川湾). Malgré l’heure, le lieu était plein.
Le décor vieillot et la musique enka (musique populaire des années 60-80) donnaient l’impression d’être chez mamie. Toiles cirées, néons, tout y était… Manquait plus que la papier tue-mouche.
Les portions étaient énormes, les sashimi apparemment délicieux, et moi je ne m’attendais pas à ce qu’on me serve de la daurade ultra moelleuse en commandant un menu « poisson blanc frit ».
Ozuna Beach (大砂海水浴場)
Ce que j’ai apprécié sur les plages de Kaifu, c’est de pouvoir à nouveau humer le parfum de la mer, de l’iode, avoir le peau qui pique. J’allais souvent en vacances sur la côte Atlantique étant petite et j’ai toujours été déçue par cette absence d’odeur maritime sur les plages des mers de Seto et du Japon.
J’aurais aimé me baigner, mais ce jour-là, aucune surveillance, personne dans l’eau et les courants baïne m’inspiraient moyennement confiance… Je me suis donc contentée de tremper les pieds.
Dernière soirée et retour
Pour notre dernier repas, on a été chez Shishimaru (宍◯). C’est un izakaya situé près de la maison et tenu par deux frères originaires d’Osaka, venus s’installer ici pour le surf. Les plats n’avaient rien d’exceptionnel, mais une fois que les autres clients sont partis, on a bien rigolé.
Comme par hasard… Alors que le temps était brumeux et pluvieux la majeure partie de notre séjour, un beau soleil brillait le jour du retour et les plages avaient l’air bien animées.
Sur le bord des routes, on a croisé de nombreux pèlerins (pèlerinage de Shikoku), des cyclistes, des gangs de motos… On aurait tellement aimé rester un peu plus longtemps !
Adresses
Resto
On s’y est arrêté plutôt par hasard mais ces adresses ne nous ont pas déçus.
- Izakaya Minato (海鮮居酒屋 湊) : Carte Google
- Inotani (いのたに 本店) : Carte Google
- Ajimasa (味政) : Carte Google
- Kaizoku no ie (元祖 海賊料理 海賊の家) : Carte Google
- Izakaya Shishimaru (宍◯) : Carte Google
Autres choses à faire du côté de Kaifu
J’avais fait toute une liste de lieux à explorer mais c’est surtout l’île de Tebajima que j’aurais aimé visiter ! Sinon, j’avais aussi noté le temple Sabadaishihonbo Yasakadera et le temple Yakuoji.
japankudasai
septembre 26, 2018
Les chutes de Todoroki et la baie de Mitoko sont juste WAOUH ! Y’a pas à dire, rajouter un escalier de la mort avec un ou deux torii dans la forêt et ça te transforme une vulgaire rando en un sentier surnaturel mystique ^^. C’est tout à fait l’image que je me fait du Sud de Shikoku, sauvage et vieillissante (avec un côté nostalgique du temps passé) : je te comprends quand tu écris que tu aurais pu passer des heures à photographier les bâtiments des vieux villages.
Judith Cotelle
septembre 26, 2018
Pareil, c’est un peu le Shikoku dont je rêvais depuis longtemps ! Moi qui m’étais toujours dit que posséder une voiture était inutile au Japon, je suis maintenant bien contente que ça nous permette de découvrir des lieux un peu plus sauvages et reculés comme celui-ci ! (bon après pour les détenteurs de permis internationaux ou traduits c’est aussi possible d’en louer).
CJMUSASHI
décembre 20, 2018
Super article, v’est vraiment magnifique (les photos sont très très belles).
J’ai un petit faible pour le drapeau rouge/jaune/vert avec le lion.
Judith Cotelle
décembre 20, 2018
Merci !Haha tu as l’oeil ! La propriétaire de la maison était visiblement une surfeuse et ceux que j’ai croisés dans le village étaient très dreadlocks et compagnie 🙂