Hiroshima, ville de la paix
Vous savez sans doute déjà qu’Hiroshima est une ville qui tient à symboliser la paix et fait ainsi tout pour la promouvoir à travers le monde.
Pour autant, cela ne signifie pas que les institutions, telles qu’Hiroshima Peace Institute par exemple, ou les associations, soient les seules à agir. De nombreux citoyens, dont plusieurs dans mon entourage, essaient eux-aussi de contribuer à ce projet. À leur niveau et avec leurs moyens, de manière symbolique ou plus active.
Je vous avais déjà parlé l’année dernière (à la fin de cet article) de mon ami Sakuma, qui crée et vend chaque année des T-shirts à l’effigie du monument aux victimes de la bombe. Des T-shirts que tout le monde porte fièrement dans la ville, et dont les bénéfices sont reversés aux associations pour la paix. De son père, Hibakusha (victime de la bombe) et président de l’association des victimes de la bombe, qui a 70 ans, a rappé sur une ode à la paix pleine d’espoir et de bonne humeur. Ou encore de mes amis SleepyEye, qui depuis déjà 18 ans organisent le 6 Août, une soirée gratuite en plein air, au nom évocateur de « Summer of Love » pour commémorer ce jour historique de manière gaie et positive.
Mais ils ne sont pas les seuls. Des tatoueurs de la ville, oui ça peut étonner, organisent eux aussi depuis 7 ans, un évènement caritatif qui s’appelle Peace & Tattoo. Et j’y suis retournée pour la 2ème fois cette année.
Peace & Tattoo, l’évenement
L’évènement « Peace & Tattoo » a lieu tous les ans, depuis 2010, et pendant 2 jours (les 5 et 6 Août) au bar Nemurineko.
En quoi ça consiste ? On paye 3000¥ et ça donne droit à une boisson et un petit tatouage.
Quel genre de tatouage ? C’est une grue origami ou orizuru (symbole de la paix à Hiroshima, dont je parle aussi dans l’article sur la Orizuru Tower). On peut choisir parmi 30 modèles et une quinzaine de couleurs. On choisit également l’emplacement (vous verrez que certains ont de l’imagination !).
Comment ça se déroule ? On s’inscrit sur la liste d’attente (divisée par créneaux de 30 min) et on est ensuite appelé par le tatoueur disponible à ce moment-là.
Quel est le but de l’évènement ? Les bénéfices sont reversés sous forme de dons au département de promotion de la paix internationale de la ville.
Mais nous verrons tout cela plus en détail dans l’entretien que j’ai eu avec l’organisateur. Avant cela, quelques photos !
Vu comme ça, ça peut paraître intimidant : que des Japonais du milieu punk hardcore, déjà tatoués de la tête au pied (au sens propre !). Mais je vous assure que c’est le hasard du moment où j’y suis passée cette fois-ci. La fois précédente, en 2014, le lieu était plutôt rempli de touristes et de résidents étrangers, hommes et femmes, qui souvent se faisaient tatouer pour la première fois.
Des choix d’emplacements audacieux
Sur le menton, c’est Marbow, boss du club HUG. On a aussi découvert récemment avec lui qu’on était dōkyūsei (同級生 : nés la même année, j’en parlais aussi dans le dernier article). Je sais pas ce qui se passe avec la « team Shōwa 54 » (昭和54年 : année 1979) dont fait aussi partie Shiho, mais je ne rencontre que des tatoués, percés, même chez les filles, et beaucoup issus de la scène hardcore. On a dû mettre quelque chose dans les biberons cette année-là ! Mes amis plus âgés ou plus jeunes ont des allures beaucoup plus classiques.
A ce propos, je vais encore faire une digression comme toujours. On reproche souvent aux Japonais, et à juste titre, de juger les gens sur l’apparence, ou de les cataloguer : personne tatouée = yakuza, etc. Le problème, c’est que les étrangers installés ici, ou ceux qui s’intéressent au Japon, ceux qui pointent du doigt cette fâcheuse tendance donc, sont souvent les premiers à faire le même type d’amalgame. Lorsque je publie des photos de gens tatoués : « c’est des yakuzas, c’est sûr ! ». Lorsqu’on voit mes amis aux looks relax : « ça c’est des freeters* fumeurs de joint !™ » (← je reprends cette expression dans un contexte différent de celui où il a été utilisé, parce qu’elle résume bien la chose)
(* personne enchaînant les petits boulots précaires).
Alors, non, comme ça vous saurez : aucun de mes amis n’est freeter. Ils sont pour la grande majorité entrepreneurs (ça vous la coupe, hein !) : propriétaires de leur bar, restau, salon de coiffure, boutique, studio de yoga, etc. Ou bien artisans : photographes, tatoueurs, décorateurs & peintres d’enseignes et d’intérieurs de magasins, designers d’espaces, charpentiers, peintres en bâtiments à leur compte, etc.. D’autres encore travaillent dans l’aide aux personnes âgées. Quelques uns, comme mon copain, sont seulement gérants, mais pas encore propriétaires.
J’avais la visite de Mohamed ce soir-là, n’hésitez pas à visiter son compte instagram www.instagram.com/nipponsanpo/ ni même à le contacter, il a plein de super plans, connaît plein de petits lieux cachés (lieux à visiter mais aussi restaurants, cafés, lieux nocturnes introuvables) au Japon, notamment à Fukuoka, la ville dont est originaire son épouse.
Moi aussi j’y suis passée !
Oui, moi aussi, je suis allée me faire tatouer une grue. Pour la 2ème fois cette année. Et comme la 1ère fois, ça s’est fait sur un coup de tête. En 2014, c’était au milieu d’une nomikai avec mon boulot (entre un restau et un karaoké), parce que des amis étaient sur place et qu’on avait déjà bien bu. Cette fois-ci, j’y allais en reporter, mais une fois sur les lieux, je me suis dit que c’était dommage de ne pas en profiter. Du coup, j’ai un peu choisi les modèles et les emplacements à l’arrache les deux fois, mais voilà c’est plus pour le symbole…
Oui, il est un peu tordu, c’est parce que des gens « légèrement » ivres ont fait bouger la table de tatouage mais Yoshi peut me l’arranger gratuitement (j’hésite parce qu’il faudra ajouter de la couleur et je l’aime bien en monochrome).
Malgré mes choix pas super judicieux, le truc cool que j’ai remarqué il y a peu, c’est que ma grue peut ouvrir et fermer les ailes selon la position de mon bras ! (C’est pour me consoler… T-T)
Le bar Nemurineko
C’est un bar à shisha, au décor et au staff très sympathiques, et où sont mis à disposition : manga, magazines et projecteur vidéo. Ils misent vraiment tout sur l’aspect confort et relaxation.
Nemurineko (眠り猫), littéralement, ça veut dire « chat endormi ». C’est aussi le nom d’une peinture datant du XVIIe siècle d’Hidari Jingorō qui se trouve à Nikko (wikipedia).
Entretien avec Yoshimoto Shizuo, l’organisateur
Je suis allée lui rendre visite dans son studio : Murasamedo, entre son dernier rendez-vous de la journée, et ses heures de dessins et préparatifs de tatouage.
Comment t’est venue l’idée de créer l’évènement Peace & Tattoo ?
Y a pile 20 ans (en 1996), le Genbaku Dôme a été classé patrimoine mondial de l’UNESCO et les touristes étrangers ont commencé à venir visiter la ville et ce lieu en particulier. C’est y a seulement 10 ans qu’ils ont commencé à vraiment venir en masse. J’étais surpris qu’ils soient aussi nombreux le 6 août, jour de la commémoration de l’explosion de la bombe atomique.
Il se trouve que je voulais organiser un évènement autour du tatouage. Il en existe déjà plein, avec de la musique etc, mais j’avais envie de faire quelque chose de différent, qui soit connecté avec Hiroshima. Je me sentais reconnaissant envers tous ces étrangers qui viennent rendre hommage à ma ville, ce jour-là, surtout en tant qu’hibakusha sansei (petit-fils de victime de la bombe). Et je voulais agir, participer utilement à la société, notamment en tant que citoyen d’Hiroshima et personne depuis toujours fermement attachée à l’idée de paix. C’est là qu’est venue l’idée d’offrir à ces étrangers un souvenir de la ville, symbole de paix, mais sous forme de tatouage. J’ai donc commencé à organiser des sessions de tatouage de grues origami totalement gratuites, tous les ans ce jour-là.
Je l’ai fait gratuitement pendant 3 ans, puis la 4ème année, j’ai réfléchi un peu et ai réalisé que le Musée de la Paix ne faisait payer qu’une entrée à un prix dérisoire. L’argent récolté est destiné à la fondation pour la préservation du Genbaku Dôme, mais ça ne doit pas faire beaucoup. J’ai alors pensé que mon action serait encore plus utile si je demandais une modeste somme pour mes petits tatouages et reversais les bénéfices à cette fondation.
La 1ère fois que je suis venue il y a 2 ans, il y avait beaucoup d’étrangers. Cette année, au moment où je suis passée, il n’y avait quasiment que des Japonais.
C’est vrai qu’il y a de plus en plus de Japonais qui viennent à Peace & Tattoo, et ça m’embête un peu. Ce n’est pas le but. Au départ c’était vraiment un évènement destiné aux étrangers, que j’avais voulu créer. L’idée c’était qu’ils repartent avec un message de paix sur leur peau, quelque chose de permanent, que leurs compatriotes pourraient voir quand ils rentrent et sur lesquels on leur poserait des questions. Pour les habitants d’Hiroshima, ça ne sert pas à grand chose de se faire tatouer ça, de parler encore de paix. Tout le monde est déjà conquis à la cause.
Après, je fais ça, je ne suis pas complètement naïf. Je sais très bien que la guerre dans le monde ne cessera jamais complètement, et que mon geste ne va rien révolutionner. Mais juste essayer de sensibiliser un peu plus de monde, petit à petit, sur l’importance de la paix… ça ne fait pas de mal. Et si l’élan peut partir d’Hiroshima, c’est encore mieux.
En 2014, tu avais fait cet évènement avec Horitaro. Cette année qui étaient les 2 autres tatoueurs ? C’est toi qui les invités ? Eux qui se proposent ?
Seijiro (www.instagram.com/bctat2) s’est proposé lui-même et cette année, Horishige (阿波彫しげ de Tokushima) s’est aussi joint à nous. Je ne peux pas vraiment demander moi-même aux tatoueurs de participer, puisque je n’ai pas les moyens de les payer. Seulement un petit repas, c’est tout ce que je peux faire. Mais ils sont de plus en plus nombreux à Hiroshima à vouloir le faire.
Est-ce que ça s’est toujours fait à Nemurineko ? Comment as-tu choisi le lieux ?
Non, au départ on faisait ça à Tōgen*. (* 桃源 : un très vieux magasin de la rue commerçante Hondori, tenue par toute une famille, de la grand-mère aux petits enfants. Antiquaire qui vend encens, articles pour piercing et tatouage, pour fumeurs – oui oui, des bongs, des pipes, du papier à rouler etc, T-shirts, bijoux, …). Eux aussi sont de grands militants pour la paix et récoltent de l’argent pour le Genbaku Dôme (ou pour les victimes du Tohoku etc). Ils me prêtaient l’espace gratuitement, mais l’endroit était un peu étroit, et je cherchais un lieu où les étrangers se réunissent.
La 4ème année, j’ai pensé à Koba. Ça me semblait idéal, comme c’est un bar spacieux, cool, qui attire de nombreux touristes et résidents étrangers. Mais le bar était fermé au moment de l’évènement, alors Bom, le patron, m’a présenté au boss de Nemurineko. Il me laisse utiliser le lieu contre une boisson par personne. Mais j’aimerais changer de lieu à chaque fois.
Quelle est la spécialité de ton studio ? As-tu une clientèle étrangère ?
Je fais du traditionnel japonais. Et non, je n’ai quasiment jamais eu de clients étrangers. Même si l’évènement Peace & Tattoo en attire beaucoup, ça ne les fait pas pour autant venir à mon studio.
Comment fais-tu connaître ton évènement aux touristes ou résidents étrangers ?
Je pose des flyers dans toutes les guesthouses de la ville et j’en distribue à la main sur les lieux touristiques.
J’aurais maintenant envie de te poser des questions plus générales, sur la place du tatouage et du métier de tatoueur au Japon. L’image du tatouage au Japon n’a jamais été très positive mais j’ai l’impression que récemment les choses s’aggravent, notamment à Osaka, où les lois sont sévères (Risque de se faire renvoyer de son travail si tatouage, même non visible, découvert. Acharnement sur les studios de tatouages, obligeant les artistes à fuir, problèmes avec la police..). Tu as entendu parlé du mouvement Save Tattooing in Japan ? Comment vois-tu l’avenir de ce métier ?
En effet le tatouage a une très mauvaise image au Japon. Il est très mal vu des autorités, se confronte a plein de problèmes au niveau juridique. C’est un métier qui se trouve dans la « grey zone » (plus ou moins équivalent de « vide juridique »). C’est donc aussi pour cette raison que j’organise Peace & Tattoo : en faisant un évènement pacifique, et une action citoyenne, j’espère donner une image un peu plus positive du tatouage et des tatoueurs.
La culture du tatouage au Japon a vraiment commencé pendant l’ère Edo (1603-1868). Ce n’était alors pas du tout associé à la criminalité. A cette époque c’était les pompiers, certains corps de métiers qui en arboraient. Il est ensuite devenu illégal au cours de l’ère Meiji (1868-1912) puis a été ré-autorisé après la guerre. Ce n’est qu’à partir de l’ère Showa (1926-1989) qu’il est devenu un symbole associé aux yakuzas.
Pour en revenir à ce que tu disais, oui, je suis bien au courant du problème à Osaka. Mes amis de Chop Stick Studio (Guchi-san et Ton-san) ont préféré partir pour s’installer à Hawaï. Le projet « Save the tattooing in Japan » (savetattoo.jp), je connais aussi, j’ai signé la pétition. Mais voilà, je ne pense pas que ça change grand chose. Je ne pense pas que les choses aillent en s’améliorant. Même en rassemblant nos forces tous ensemble, on ne fera rien bouger. C’est le Japon, c’est comme ça. Et c’est en même temps ce qui fait le charme de ce métier.
Je n’en veux même pas aux flics. Je suis sûr qu’individuellement, ils s’en foutent un peu. Ils ne font que suivre la loi et les ordres qu’on leur donne.
Comment est la situation à Hiroshima ? As-tu déjà eu des problèmes toi-même avec la police, la justice ? Je sais que c’est dur de trouver un local pour un tatoueur, mais j’ai entendu dire qu’à Tokyo même trouver un logement était un casse-tête. C’est pareil ici ?
Je n’ai jamais eu de problème moi-même. Je me tiens à carreau, je fais en sorte de ne pas me faire remarquer. Mais je sais que tôt ou tard, on rencontrera les mêmes problèmes qu’à Osaka. Si les personnes qui t’ont dit avoir un problème à trouver un logement ont des tatouages visibles, alors oui, c’est tout à fait normal, c’est la même chose ici. Comme tu le vois, mes tatouages ne dépassent pas de mes vêtements (il en a jusqu’aux poignets, mais rien sur le cou, les mains ou le visage). Je veux pouvoir emmener mes enfants à la crèche ou aller les chercher à l’école sans souci. Et je sensibilise vraiment mes clients à ce problème.
Il faut savoir s’adapter à son environnement. Ça fonctionne comme ça au Japon. Ça vient du Confucianisme : « tu ne dois pas profaner le corps que tes parents t’ont offert ». Même à l’époque Edo, quand le tatouage était respecté, c’était quelque chose que l’on faisait pour soi, que l’on gardait caché sous ses vêtements. Pour son propre plaisir, dans une recherche d’esthétisme. C’est toujours un peu pareil de nos jours, même si de plus en plus de Japonais exposent leurs tatouages comme dans certains pays étrangers.
En fait, les yakuzas se font de moins en moins tatouer, ils ont besoin de rester discret. Ce sont les gens ordinaires qui s’y mettent, mais surtout les artisans, les travailleurs manuels, ceux qui travaillent dans le bâtiment, qui exercent des métiers physiques. Le tatouage traditionnel japonais revient à la mode chez les vingtenaires, alors qu’il était boudé à une époque. C’est une question de cycle : ce sont les enfants des bosozoku de l’ère Showa, qui ont vu ça sur leurs parents, leur aînés et éprouvent donc une certaine nostalgie pour ce style.
Personnellement, je préfère le tatouage traditionnel sur les Japonais. C’est comme le kimono, ça leur va bien et c’est une manière de perpétuer les traditions.
Mais si tu dis que les yakuzas abandonnent le tatouage et que ça devient plus populaire auprès des gens ordinaires, tu ne penses pas que l’image négative du tatouage va finir par s’estomper ?
Oh ! c’est pas pour tout de suite ! Peut-être dans 40 ou 50 ans ! Mais pour l’instant je ne pense vraiment pas que les mentalités évoluent.
Conlusion
Un discours aussi résigné et limite conservateur peut surprendre de la part d’un tatoueur, mais il me semble assez prévalent au Japon. Ça ne révolte pas particulièrement non plus mon copain, pourtant tatoué lui aussi, que le tatouage soit interdit dans certaines professions (même s’il n’est pas visible) :
– en quoi ça empêche un mec de bien travailler dans une entreprise s’il est tatoué sous sa chemise et que personne le voit ?
– ben au Japon, on fait souvent des voyages d’entreprise, et si un client, un partenaire important découvre au onsen que le mec en question est tatoué, il va perdre tout respect, toute crédibilité et mettre sa boîte en péril. Ou imagine un professeur qui fait une sortie avec ses élèves et que ceux-ci découvrent qu’il est tatoué ! après ils vont dire à leurs parents : « regardez, même le prof est tatoué, alors pourquoi moi je pourrais pas le faire ?! »
– oui, mais à la base, on le voit juste comme quelque chose de mal parce qu’on a déclaré que c’était quelque chose de mal, mais intrinsèquement ça n’a rien de mal ! Juger les personnes juste sur leur apparence, c’est quand même un peu léger…
– je suis d’accord avec toi, et mes parents ne voient rien à redire à mes tatouages, mes enfants décideront également de ce qu’ils veulent faire. Mais voilà, au Japon, tout est basé sur la pensée confucianiste, et abîmer, modifier son corps, par des tatouages ou des piercings (même de simples boucles d’oreille) c’est vu comme un pêcher. Et y a des gens que la vue d’un tatouage dérange. Alors c’est comme ça. Tu sais à quoi tu t’exposes quand tu décides de te faire tatouer au Japon.
しょうがない shō ga nai c’est comme ça, on n’y peut rien…
Voilà, si l’année prochaine vous êtes à Hiroshima à cette période, venez faire un petit tour à Peace & Tattoo, et si vous avez des opinions à partager sur le sujet, d’autres questions, n’hésitez pas à laisser un petit commentaire !
Petite up-date : j’ai recontacté Yoshimoto pour lui demander combien de grues avaient été tatouées à Peace & Tattoo jusqu’à présent : 181. Il m’a dit qu’il en restait donc encore 819 pour arriver au chiffre magique de 1000, et que si pour une raison ou un autre lui ne pourrait plus le faire, il aimerait que quelqu’un prenne la relève.
Les adresses :
Nemurineko : nemurineko.net – 3-21 Naka-machi, Naka-ku, Hiroshima
Studio Murasamedo (le studio de Yoshimoto Shizuo) Traditionnel japonais : www.tattoo-murasamedo.jp – 16-9 Kanayama-cho, Naka-ku, Hiroshima
Autres tatoueurs à Hiroshima :
Il y en a d’autres mais le but n’étant pas de faire une liste exhaustive, je ne vous parlerai que de ceux que je connais.
Horitaro / HRSG Studio : www.horitaro.jp – compte instagram
5-15 Horikawa-cho, Ebisu-machi Kyodo Bldg 3F, Naka-ku, Hiroshima
Il est spécialisé dans le tatouage traditionnel japonais et le tebori (手彫り tatouage sans machine). Il m’a « amélioré » un tatouage style japonais fait en France (je ne l’expose pas ici comme ce n’est pas une de ses créations originales).
J’ai réalisé ses cartes de visite et shop cards (voir dans mon portfolio)
(voir aussi l’excellente vidéo de John Carrière sur lui)
GAK / Studio Biorythm Hiroshima : compte instagram
2F 13-1 Fujimi-cho, Naka-ku, Hiroshima
Surtout spécialisé dans l’American Old School / New School. Il m’a fait une hirondelle.
Horitamotsu :horitamotsu.jp
6-21 Showa-machi, Naka-ku, Hiroshima
Traditionnel japonais. Il a réalisé un munewari hanzubon (胸割半ズボン : torse, dos, demi-manches et cuisses jusqu’aux genoux) sur Joris, un autre Français amoureux d’Hiroshima, et se rend souvent en France pour des conventions. (Tellement souvent qu’il y a quelques jours, son fils de 4/5 ans croisé à Koba avec des amis français nous a crié « ça va ? ça va bien ? putain ! enculé ! »)
En 2011, il a remporté le 2ème prix « meilleure grosse pièce » au Tattoo Art Fest de Paris. En 2014, le 3ème prix « meilleur dos complet ou bodysuit » à l’Evian International Tattoo Convention. Et en 2015, le 2ème prix « Best Bodysuit » au Mondial du tatouage.
Note : pour ceux qui se demanderaient pourquoi les tatoueurs japonais ont souvent le mot « hori » devant leur nom d’artiste. C’est le suffixe qu’on emploie pour les tatoueurs : 彫 signifie graver, tatouer.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur le tatouage japonais (son histoire, les techniques, les symboles, et sa place dans la société japonaise d’aujourd’hui), je vous conseille l’excellent et très complet dossier de Ludo (du blog le Coq et le cerisier) sur Inkage.
Ondori
septembre 02, 2016
Merci Jud, c’est passionnant, et je ne manquerais pas de partager cet article!
Ta grue tordue est très bien, ça fait plus origami!
J’aimerais ajouter aussi que le discours tenu par Yoshimoto-san sur la situation ne m’étonne en rien. Mes autres tatoueurs ont la même vision des choses… et tu sais bien comme moi qu’ici le shoganai est roi. N’empêche qu’ils signent, et que nous on diffuse (Save Tattooing in Japan est largement alimenté par Rodrigo Chillagano qui s’occupe de la version anglaise), et c’est par la diffusion à l’étranger qu’on aidera à attirer l’attention. La pétition elle même ou le seul cas de Taiki-san ne règlera rien, mais c’est un pas essentiel selon moi.
Merci beaucoup pour ce passionnant article et j’espère vraiment être dispo pour l’édition 2017 à Hiroshima!
Judith Cotelle
septembre 02, 2016
Merci Ludo !
Je suis à 100% pour partager et faire tourner l’info sur Save the Tattooing aussi ! mais après tu penses que l’avis des gens à l’étranger aura vraiment un impact sur les décideurs de lois au Japon ? J’ai plus l’impression qu’en général ils prennent un malin plaisir à faire savoir qu’ils s’en contrecarrent. Je pense que les jeux olympiques de 2020 auront en revanche peut-être un petit effet quant à l’acceptation des personnes tatouées dans les onsens, mais même là, j’ai l’impression que ça va n’être qu’éphémère et tout de même restrictif. J’ai vu passer des projets où il était question de n’accepter que les étrangers tatoués. Ca risque plus créer des polémiques pour les Japonais qui vont se sentir discriminés et permettre de continuer à ranger le tatouage dans une catégorie à part (« c’est un truc d’étrangers, ils n’ont pas la même mentalité, bla bla »).
Sinon, oui, parfois la mentalité des tatoueurs ici est étrange : une de mes amies est sortie à une époque avec l’un des 2 autres tatoueurs. Ils étaient censés se marier et quand j’ai demandé à ma copine si elle comptait se faire tatouer, le mec a répondu à sa place « non, y a pas moyen que ma femme soit tatouée moi ! » O-o ?
Et je t’attends de pied ferme en 2017 ! 🙂
laurent
septembre 03, 2016
Merci Jud pour cet article toujours aussi passionnant.
Je ne savais pas que le tatouage avait si mauvaise réputation au Japon alors qu’il est devenu très populaire partout en Occident. Ton article donne l’impression que l’étau se resserre peu à peu autour de cette profession et qu’il devient de plus en plus difficile de l’exercer.
En Corée la pratique du tatouage n’est légale « normalement » que si elle est réalisée par un docteur car ici ils sont seuls habilités à pratiquer des actes sous cutanés. Évidement les docteurs ne sont pas tatoueurs et les tatoueurs ne sont pas docteurs. Donc le tatouage en Corée est à peine toléré. Je crois notamment que les tatoueurs ne peuvent pas faire de pub. La perception du tatouage est sensiblement la même qu’au Japon finalement, dans certains sauna élitistes les tatoués ne peuvent pas venir a part si c discret. Il y a derrière tout çà un peu la mauvaise image véhiculée par le Jopoe 조폭 (le yakuza coréen).
Judith Cotelle
septembre 03, 2016
Merci pour ton commentaire Laurent !
J’avais entendu dire en effet que la situation était encore pire en Corée, et d’ailleurs je ne connaissais pas le terme pour la yakuza locale ! C’est cool, je sens que je vais apprendre plein de choses sur la Corée grâce à toi ! (un pays qui m’intéresse aussi beaucoup mais où je ne suis allée qu’une fois, en voyage d’affaire).
En fait, je ne sais pas si tu as regardé le lien vers http://savetattoo.jp/ mais c’est exactement ce qui est en train de se passer en ce moment au Japon. Ils essaient de faire passer une loi disant que le tatouage est illégal s’il n’est pas pratiqué par un médecin, et comme tu le dis très bien, un médecin n’a pas les qualifications pour tatouer, et il est impossible pour un tatoueur de se former à son art et de faire des études de médecine en parallèle. Donc ça menace clairement le métier.
laurent
septembre 03, 2016
Je viens de visionner la vidéo sur la home de savetatoo.jp
Effectivement c le meme probleme qu’en Corée. Des règles d’hygiènes élémentaires suffisent je pense. J’ai du mal à comprendre cette « chasse aux sorcières ». On dirait de la persecution. Je ne connais rien à la politique jap mais Le gouvernement bien réac de Abe me semble le coupable idéal
En tout cas, l’initiative Peace & Tatoo est bien la meilleure réponse. Si les tatoueurs veulent défendrent leur cause ils faut se mettre l’opinion publique dans la poche.
laurent
septembre 05, 2016
Si tu t’interesses à la Corée et aux gangsters, je peux te conseiller le film 친구 (Friends) . A sa sortie il a fait un carton, notamment dans la région de Busan, ville dans laquelle il se déroule. Il y a beaucoup de choses dans ce film, pas seulement sur les Joekpok. Par exemple manger un bloc de Tofu cru quand on sort de prison, par sa couleur blanche il symbolise la purification, marque d’un nouveau départ.
En tout cas les gangsters coréens sont très semblables aux Yakuzas. Ils sont évidement beaucoup moins connus car peu de littérature et de films traitent du sujet.
Je vais te raconter ma modeste expérience sur le sujet. La première c’est une rencontre dans un 찜질방 (le sauna en Corée), légèrement à la sortie de Busan. J’y étais allé très tard, vers 23h et en sortant des bains, je tombe nez à nez dans les vestiaires sur un gang de Joekpok, eux aussi vêtus dans le plus simple appareil, certains avec de beaux tatouages (lol). Vachement destabilisant comme situation. Du coup leur boss a engagé la conversation pendant quelques minutes. Les autres étaient vraiment en retrait, la distinction de rang était très nette. On a un peu discuté puis il est rentré dans le bain, les autres l’ont suivi. Finallement une rencontre très cordiale où il s’est rien passé d’exceptionnelle mais qui m’a marquée.
Autre chose, le prêt d’argent par les gangsters et çà c’est assez courant. Quand la banque ne prete plus, certaines personnes se tournent vers eux. Les taux sont prohibitifs et pas question de manquer au remboursement. Une connaissance de longue date a tout quitté du jour au lendemain, sans laisser de trace, sans prévenir personne. Elle est partie avec toute sa famille on ne sait où. Çà fait bizarre
Judith Cotelle
septembre 09, 2016
Merci, si je le trouve je regarderai !
En fait si tu as des bons films coréens à conseiller, je suis preneuse ! A une époque (quand je téléchargeais encore) j’en regardais des tonnes. J’ai adoré « Memory of a murder », « Castaway on the moon », « Chugyeogja (The Chaser), « Old boy », « Mother », « The housemaid », etc… Mais faut que je puisse les trouver sur Netflix T-T