Un article complètement pas sérieux, en mode gonzo quoi (mais instructif quand même !) au paradis des papys japonais bourrés, le saké matsuri de Saijo !
Cette année des potes m’ont proposé d’aller au Saké Matsuri (le festival du saké) de Saijo, dans le ville d’Higashihiroshima (Est de la préfecture d’Hiroshima). C’est un énorme évènement, qui se tient sur un week-end, aux alentours du 10 Octobre (cette année le 10 et 11) et qui rassemble plus de 200,000 personnes venues de tout le Japon. J’avais déjà fait un saké matsuri en 2008, celui de la place Alice Garden à Hiroshima, mais minuscule comparé à celui de Saijo (l’article ici avec plein de vidéos rigolotes)
À chaque fois que j’ai parlé à d’autres amis de mon plan pour ce dimanche, j’ai eu droit à des yeux levés au ciel et des regards compatissants « sérieux ? », « t’es sûre ? », « ben.. bon courage alors… », « tu sais que ça sent le vomi depuis la gare ? » etc.. mais je me suis dit qu’au pire ça ferait un bon article pour le blog, et j’ai bien fait de me fier à mon intuition.
Saijo, la Mecque du Saké
Ce n’est peut-être pas un fait très connu à l’étranger, bien que l’intérêt pour le saké semble commencer à prendre de l’ampleur en France, mais la région d’Hiroshima est particulièrement réputée pour sa production de saké (ou nihonshu en Japonais), c’est d’ailleurs l’un des 3 plus hauts lieux de brassage du Japon, avec des sakés très haut-de-gamme, et les brasseries de la région sont principalement concentrées dans cette petite ville de Saijo depuis bientôt 400 ans. C’est d’ailleurs un saké d’Hiroshima qui est servi à Obama lors de ses visites officielles au Japon : le Daiginjo Kamotsuru Gold (avec des pétales d’or dedans).
Pour en savoir plus sur le saké d’Hiroshima : sake-hiroshima.com (site en français)
Le Saké Matsuri
Ce festival a débuté il y a 26 ans déjà (en 1990). On peut visiter les différentes brasseries caractérisées par leurs murs blancs et leurs grandes cheminées de briques rouges, et goûter au différents sakés (gratuits et payants) ou aller au Saké Hiroba (la place du saké, j’y reviens plus tard). Toute la ville est animée : concerts, parades traditionnelles, présentateurs..
On est donc parti à 5 (dont 2 venus spécialement de Tokyo pour l’occasion), le dimanche matin vers 10h, comme des punks, une bière à la main, en ayant très peu dormi, dans un train complètement blindé. Je dis comme des punks, mais les 3/4 des passagers, quelque soit l’âge ou le genre, avaient eu la même idée. On a évidemment du rester debout tout le long des 36 minutes de trajet (580¥) qui relient la gare d’Hiroshima à celle de Saijo, mais on s’est bien marré.
La gare de Saijo, pourtant si calme d’ordinaire, était elle aussi complètement bondée. Pour les gens qui se tapent la gare de Shinjuku tous les soirs vers 18 ou 19h, on a peut-être l’air de petits joueurs, mais bon Saijo c’est juste un petit village de cambrousse, et pour avoir aussi vécu les pires heures de la Yamanote à Tokyo, je pense que c’était pas loin d’être pire. On a eu de la chance cependant, aucun de nous n’a marché dans le vomi contrairement à ce qu’on nous prédisait.
Dès la sortie de la gare, on a été accueilli par des stands de ウコンの力 Ukon no chikara, ces boissons à base de curcuma, ultra populaires au Japon, et que l’on boit pour soi-disant éviter la gueule de bois ou je ne sais quel autre malheur. J’ai de gros doutes sur l’efficacité de ces fioles, et c’est un euphémisme, mais c’est tellement ancré* dans la culture que c’est peut-être plus à prendre comme un rituel qu’autre chose. Donc quand tout le monde en prend (particulièrement avant les soirées de Bonenkai), je suis le mouvement gaiement, tout comme je fais ma prière au sanctuaire en début d’année quand on y va avec mes collègues pour demander plein de sousous aux bons dieux pour l’année à venir.
* ayé, faute corrigée Maître Senbei-Capello
Saké Hiroba
Voici donc la Saké Hiroba qui se tient dans le Chuo Parc et où l’on peut déguster plus de 900 sakés en provenance de tout le pays. On paye 1600¥ et l’on reçoit sa coupelle à saké. Ensuite on peut goûter autant de sakés que l’on veut.
Bon, à peine entré dans l’enceinte, la couleur est annoncée. On a directement une idée très claire de l’ambiance et de ce qui nous attend. On trouve des gens ivres morts ou pas loin tous les 2 mètres, et ce ne sont pas forcément les plus jeunes. La population est d’ailleurs plutôt âgée. Il y a sans doute un poil plus d’hommes que de femmes, mais rien de très flagrant non plus.
Y avait aussi plein de petits enfants, qui pouvaient ainsi apprendre comment se comporter plus tard une fois adulte.
La foule était en tous cas impressionnante. Je ne sais pas s’il existe des rassemblements de cette ampleur dédiés à la dégustation du vin ; je n’ai visité que des petites caves en France ; mais une chose est sûre, c’est que l’on y va certainement pas dans le même état d’esprit.
Les gens semblent ici plus (ou du moins tout autant) venir pour se bourrer la gueule à peu de frais et s’amuser que pour réellement découvrir les sakés. Je dis ça, je ne me fonde que sur mon observation, mais toujours est-il que je n’ai vu personne recracher son saké comme il est coutume de le faire avec le vin (moi non plus je ne recrache pas le vin ceci-dit..), ni y aller avec modération. Je pense même que l’idée paraîtrait complètement saugrenue « mottainai ! » qu’ils diraient (quel gâchis !).
On se munit donc de son énorme bottin rose qui vous donne la liste des différents sakés classés par régions et préfectures et qui indique le nom du saké, le type de saké, son degré d’alcool, le nom du fabricant, un petit commentaire, etc..
On prend son おちょこ o-choko (petite coupe à saké), et on est prêt à aller faire la queue devant les stands pour se mettre une race la dégustation.
Nous avions avec nous notre « expert », descendu exprès de Tokyo juste pour la journée (avec son stylo et tout). Il avait déjà une idée des choses qu’il voulait goûter (apparemment c’était en rapport avec son boulot) et avait l’air de bien s’y connaître de manière générale, donc on s’est contenté de suivre ses conseils et de le suivre à la trace sur les stands qui l’intéressaient. C’était un peu notre « Précieux ».
Malgré la foule hallucinante, comme dans la plupart des lieux au Japon (club, bar, resto, toilettes, poste, administrations,concert des Daft Punk avec 20,000 personnes), l’attente n’était pas très longue.
En même temps au bout d’un moment, t’es tellement bourré que tu n’y fais plus gaffe…
L’endroit était plutôt chouette et le temps magnifique ce jour-là. C’est de toute façon au mois d’Octobre qu’on a le meilleur climat au Japon : ciel bleu et ensoleillé et températures agréables, quoiqu’encore très chaudes parfois en milieu de journée.
Bien qu’il soit clairement indiqué partout qu’il est interdit de s’installer par-terre sur des bâches de camping, ni de se mettre dans un état d’ivresse avancé, les règles sont assez peu suivies. Et encore une fois, ce ne sont pas les « jeunes » qui font les punks. En même temps « no future » quand tu as 85 piges et que tu picoles comme un enculé, ça a du sens quelque part.
En parlant de vieux punks (et de préjugés injustes), il y a quelques semaines, un dimanche après-midi, alors qu’on visitait sagement une expo au Musée Préfectoral d’Hiroshima (les ukiyo-e ou estampes de Kuniyoshi Utagawa), un papy fait tomber une cannette de Highball de sa poche (whisky soda, la boisson qui a détrôné toutes les autres au Japon depuis quelques années). Comme il devait pas être trop fier de son coup, il laisse la cannette au sol, discretos, ni vu ni connu. Et là, comme de par hasard, 2 secondes après, un gardien du musée vient vers nous, avec la cannette « hé les jeunes, vous avez oublié ça ! ».
Voilà, au Japon, le 3ème âge se permet tout, parce qu’ils sont au-dessus de tout soupçon et surtout parce qu’ils n’en ont plus rien à branler, ils ont atteint le statut de senpai de tous les senpai donc on ne peut plus rien leur dire !
Hé les gars, c’est pas parce que vous êtes pas sur une bâche bleue que ça compte pour du beurre, hein ! Bande de caillera…
Les mecs qui faisaient leur provisions, tranquillou…
Si vous êtes observateur, ou si vous suivez la petite flèche que je vous ai tracée, vous pouvez voir le reflet de nos o-choko trinquer dans le reflet des lunettes de soleil.
On attendait à chaque fois religieusement le verdict de notre expert. J’ai goûté de très bon sakés (mais aussi certains qui m’ont beaucoup moins plu), et j’avais pris avec moi un carnet et un stylo pour prendre des notes, mais voilà…
Un papy tellement absorbé dans son guide des sakés qu’on aurait pu faire le poirier ou des saltos arrières devant lui, il n’aurait rien remarqué…
On a ensuite quitté l’enceinte du Saké Hiroba (sortie définitive) en quête d’un lieu où manger un petit bout.
Dans les rues de Saijo
La ville de Saijo est assez charmante. Elle se caractérise par ses petites ruelles aux murs blancs et poutres apparentes.
On a attéri sur cette petite terrasse faite de cagettes de sakés où l’on a bien rigolé avec nos voisins de table.
Alors lui au fond avec les lunettes de soleil, la chaîne en or et le survet’ Nike, ça a été ma figure préférée de tout le festival. Il avait trop l’air d’être le boss du quartier, enfin de cette petite ruelle en tous cas. On aurait presque dit un Marseillais !
Visite des brasseries
On a continué notre déambulation dans les ruelles bondées de Saijo.
La veille on s’était fait une petite session YouTube, et je leur avais montré Tonton du Bled, du 113, en leur expliquant que « léléla » voulait dire « non » en arabe.. du coup ça a été leur gimmick tout au long de la journée, à chaque fois qu’on essayait de nous vendre un truc ou qu’on nous proposait quelque chose.. ou juste pour faire chier comme ça, sans raison. Y en a qu’un qui avait retenu le « waa waa waa » aussi et qui s’en est servi autant qu’il pouvait.
On a visité un peu les brasseries.
Au fil de la journée, ça s’est progressivement transformé en cours des miracles..
A ce stade là, plus rien ne surprend plus personne…
Je crois que de notre côté, on est reparti assez dignement, même si l’un d’entre nous s’est fait colorier les bras et la figure à l’eyeliner et au rouge aux lèvres pendant qu’il somnolait dans le train du retour (un grand classique au Japon).
Retour à Hiroshima, et petite pause dans le cul du loup du Japon
Une envie pressante de faire pipi en a obligé deux d’entre nous à descendre en cours de trajet dans le petit village complètement désert d’安芸中野 (Akinakano), qui signifie d’ailleurs en gros « au milieu de la cambrousse d’Aki ». C’était un peu comme les villages désertés des westerns, avec les buissons qui roulent et les portes de saloons abandonnés qui claquent mais on a finalement trouvé un okonomiyaki ouvert. La patronne avait l’air aussi sympa qu’une porte de prison en Biélorussie mais ses okonomiyaki étaient délicieux (je dois avouer que je ne suis pas une grande fan d’okon (ne le répétez à personne), donc là je peux vous garantir qu’ils étaient vraiment hors du commun).
Okonomiyaki Sugi : 17-15 Nakano 2chome, Aki-ku, Hiroshima
Je sais que les probabilités que vous vous retrouviez dans ce patelin lors d’un voyage au Japon et qu’en plus comme par hasard vous ayez envie de manger un okonomiyaki ou que vous y alliez exprès sont proches de 0,0000001%, donc c’est pas pur perfectionnisme que je vous donne l’adresse du lieu.. Non, même pas, c’est juste pour vous montrez que j’ai réussi à retrouver le nom du village et même celui du resto avec pour seule et unique info qu’on était descendu du train quelque part entre Saijo et Hiroshima après avoir bu du saké une bonne partie de la journée.
Alors, ça vous la coupe, hein ?
Voilà, perso, je vous conseille de tenter le coup si vous êtes de passage à Hiroshima à cette période ou si vous aimez le saké. Aucun regret !
A lire aussi : Grand délire à la brasserie de saké Miwa Sakura
Senbei "太くって、仕事がなくって、アル中 " Norimaki
octobre 19, 2015
» c’est tellement encré dans la culture « … Non. C’est encré dans ta peau, mais ancré dans la culture. Ou alors dans une culture écrite, je sais, mais on va pas négocier ce genre de truc, c’est pas le salon du cuir, ok ?
Senbei, ancré au comptoir.
Judith Cotelle
octobre 19, 2015
Hé merde ! je pensais faire un sans faute ce coup-ci, je pensais m’être bien relue..
DU coup si je peux me permettre c’est pas 太くって、仕事がなくって mais 太くて、仕事がなくて à moins qu’il y est une subtilité, un effet de style, où un truc régional qui m’échappent.
Judith, c’est çui qui dit qui y est.
mikaoioi
septembre 27, 2016
Alors il ya bien un truc qui pourrait s’en rapprocher en France, ce sont les salons des vignerons indépendants.
En général quand tu y vas c’est sur-blindé, et bcp viennent spécialement pour se la coller (et/ou refaire les stocks) et c’est à peu près le mm principe qu’ici, un verre à l’entrée et zou dégustation.
Le plus gros ca doit etre celui qui est à la halle tony garnier à lyon tous les ans.
Bon par contre pour avoir fait pas mal la teuf (matsuri/concerts/etc) au Japon, il ya nettement de viande saoule couchée par terre ^^
Super article en tout cas, ca donne grave envie !
Judith Cotelle
septembre 30, 2016
Merci !
Haha, oui j’imagine bien le tableau 😀
Reef
octobre 07, 2016
Je suivais ton ancien blog et je viens de tomber sur celui-ci. Super article, tu mêles humour, anecdotes et informations. Avec ou sans fautes d’orthographe tes articles passent bien!
Judith Cotelle
octobre 08, 2016
Merci beaucoup ! Et bienvenue sur le nouveau blog !