Ce coup-ci je vous emmène dans ce lieu unique et bien connu des noctambules d’Hiroshima, がんこ屋台 Ganko Yatai, qui signifie « la cour de stands têtue » ; certainement parce que ce lieu ne semble jamais vouloir fermer le rideau ni laisser les clients aller se coucher. Depuis 22 ans, on peut y manger et boire 365 jours / 365 et jusqu’à 7 ou 8h du matin.
On reconnait facilement ce lieu à sa devanture rouge illuminée de lanternes de papiers et son tanuki gourmand sur l’enseigne.
On voit que le lieu a vécu, il n’est pas particulièrement propre ni bien rangé, comme un paquet de boui-bouis ouverts tard le soir, mais je ne pense pas qu’il y ait pour autant de souci avec l’hygiène. A part les potes qui ont pu parfois s’enflammer lors de concours de maki au wasabi après une nuit bien arrosée, personne n’a jamais été malade.
Même s’il ouvre vers 19h, le lieu ne commence à s’animer qu’au milieu de la nuit et le rush n’a lieu qu’à 4h du matin. On y rencontre une faune très variée, principalement du staff de bar et restos, des hostess et des hosts, des yankees, des personnes âgées aussi, des clubbers ou des gens qui rentrent du karaoké et viennent faire un 夜食 yashoku (repas de nuit), une pratique très courante au Japon et dans le reste de l’Asie, pas particulièrement recommandée par le milieu médical ceci-dit. Avant cela, le lieu est plutôt parsemé, assez silencieux pour qu’on entende encore la vieille pop japonaise s’échapper des haut-parleurs et les propriétaires de stands préparent encore le lieu sans se presser, ou lisent le journal paisiblement.
Pas de menu en anglais, le staff ne parle uniquement japonais, mais si vous avez l’occasion d’y aller, on peut y faire des rencontres étonnantes et finir à partager un plat avec son voisin de banc. C’est ici même que nous avions fait la connaissance de notre mythique Johnny Samouraï avec Julien et Barnabé, une nuit d’Avril 2009.
Le lieu est composé de 7 屋台 yatai (stand de nourriture). On va donc en faire le tour dans le sens des aiguilles d’une montre. (Sachez que vous pouvez vous attabler à n’importe quel stand et commander des choses dans un autre).
1- のんき Nonki, le stand de Sushi
Ca, c’est aussi le lieu mythique dans le lieu mythique. C’est certainement le stand où j’ai été le plus souvent. Le chef est assez particulier, il semble timide mais se met à sourire ou à faire une sorte de « air-rire » à des moments improbables, mais il est surtout connu pour son célèbre « whhhooooooyyyyyaaaa ! » qu’il lance quand il vous fait passer votre plat de sushi. Bon, il bosse 12h par nuit en même temps, comment rester sain d’esprit dans ces conditions ?.. Il apparaît d’ailleurs très souvent sur les comptes Instagram des gens de la ville, avec divers hashtags tentant de retranscrire son cri de guerre.
On peut commander des plats de sashimi (de 750¥ les petites sardines à 2500¥ le toro), des nigiri-zushi (de 150¥ à 650¥ la pièce), des maki-zushi, des assortiments, des battera (poisson pressé), du poisson et des coquillages grillés au sel ou au beurre, des tataki, des poissons au vinaigre, des tempura, et divers plats dont mon préféré : le gratin de grabe (おススメ!osusume, ma recommandation))
Comme on devait visiter plusieurs stands (j’ai fait ce reportage pour le numéro d’été de GetHiroshima), on a essayé de rester raisonnables dans nos commandes.
En haut à gauche : たい tai (daurade), en haut à droite, je suppose que vous l’aurez deviné, du saumon, en bas à gauche, de la peau de daurade et en bas à droite du はまち hamachi (de la jeune sériole), un de mes préférés.
たい tai (daurade) かんぱち kampachi (sériole couronnée) サーモン saumon たこ tako (poulpe) 玉子 tamago (omelette) しまあじ shima-aji (striped jack*) 水いか mizu-ika (seiche) 甘えび ama-ebi (crevette) いくら ikura (oeufs de saumon) うに uni (oursin).
* C’est toujours un enfer de trouver les noms des poissons en français…
2- かず Kazu, cuisine rurale et oden
Chez Kazu, c’est vraiment de la cuisine populaire et familiale avec tous ses classiques : viandes et poissons grillés, légumes servis simplement en tranches, omelette japonaise, porc au gingembre, niku-jaga (plat mijoté de viande, pomme de terre et oignons), natto, fritures, salade de pomme de terre, abats, pieds de porc, tonkatsu (tranche de porc panée), torikawapon (peau de poulet dans de la sauce d’agrumes ponzu), chazuke (riz avec garniture trempant dans le thé chaud), omusubi (boule de riz dans une feuille d’algue), mais ils ont aussi leurs spécialités.
L’oden, un plat qui se mange d’ordinaire plutôt en hiver. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, ce sont des ingrédients qui mijotent longtemps dans un bouillon très sombre de sauce soja et konbu et que l’on mange accompagnés de karashi, la moutarde jaune japonaise. Les principaux ingrédients sont le daikon, les oeufs durs, la pâte de poisson, le tofu frit, le konnyaku, les rouleaux de choux, les noix de gingko, les tendons de boeuf mais ça varie d’un resto à l’autre et certainement d’une région à l’autre aussi. C’est un plat que j’ai mis du temps à vraiment apprécier mais que je trouve maintenant très réconfortant.
Leur autre plat signature est le ガリポン garipon (une contraction de garigari : croquant et ponzu : sauce d’agrumes). C’est en fait du cartilage de gorge de porc émincé, arrosé de sauce ponzu et servi avec du des rondelles de negi et du karashi. Et j’ai quand même essayé. Juste une bouchée. Déjà il fallait passer la barrière du mot « cartilage de gorge de porc » mais ensuite la texture est quand même particulière…
3- たじま Tajima, Okonomiyaki et Teppanyaki
Comme on commençait à avoir le ventre bien plein, on a fait l’impasse sur ce stand.
4- 平和園 Heiwa-en, cuisine chinoise
C’est un stand qui comme Nonki a beaucoup de succès et son propriétaire est d’ailleurs en quelques sortes le leader de Ganko Yatai. Avec son faux air de Joe Strummer, il est assez spécial lui aussi. Il donne l’impression de s’en battre complètement quand on lui parle, on ne sait jamais vraiment s’il va répondre, puis soudain il est souriant et semble avoir entendu tout ce qu’on lui avait dit. Mon patron l’a trouvé super kakko-ii, alors que moi que je me demandais si on le faisait pas vaguement chier (il a trouvé que ce mec avait beaucoup de classe autrement dit, et c’est vrai que ce genre d’attitude faux-froid remporte souvent un grand succès au Japon).
Ici on trouve ce qui se sert généralement au Japon en matière de cuisine chinoise : gyoza, bifun, cuisine au wok, ramen, nouilles soba chinoises, donburi, porc, crabe, crevettes… Mais leurs plats les plus réputés sont le 手羽先唐揚げ tebasaki karaage (ailes de poulets panées), le マーボー豆腐 maaboo-dofu (plat de tofu en sauce épicée) et les 肉ダンゴ niku-dango (boulettes de viande).
Le mec fait quand même la cuisine tout seul tout en prenant les commandes, servant les plats et les boissons, encaissant et ce de 19h à 7h du mat 6 jours / 7…
Qui n’aime pas les gyozas franchement ? (à part les végétariens, vegan, crudivores, frugivores, gluten-free, fumeurs de pissenlit…)
Pour être honnête, j’en ai mangé des meilleurs ailleurs, j’ai un peu du mal quand la sauce est aussi gluante mais ça dépend certainement des goûts de chacun…
5- よっちゃん Yochan, teppanyaki
Bon, là, on était franchement plein jusqu’à ras bord, donc on a dû définitivement mettre fin à notre séance dégustation, mais j’aime beaucoup ce qu’on sert chez Yocchan.
En dehors des plats d’abats, pas mal de plats à base de viande et de poulet, de légumes au teppan (la plaque chauffante en métal) mais surtout… plein de plats couverts de fromage fondu ! saumon / fromage, tomate / bacon / fromage, omelette / fromage, cuisse de poulet / fromage, mochi / fromage, porc / kimchi / fromage et d’autres bonnes choses comme les patates au beurre ou les asperges au bacon. Le tout à des prix très raisonnables entre 350 et 750 yens.
6- 一鉄 Ittetsu, grill au charbon de bois
Je pense n’avoir été qu’une ou 2 fois à ce stand, la dernière c’était d’ailleurs avec Clarence Boddicker et sa chère et tendre, peu avant la fermeture (!!) et juste avant de se diriger vers le karaoké le plus proche (oui on l’a faite à l’envers) au début de la Golden Week.
On y mange pas mal de plats à base de bœuf, des huîtres, de l’omelette au mentaiko (œufs de merlan), des poissons grillés, du saumon au fromage et sauce tartare, des yama-imo au fromage, des palourdes cuites dans le saké, etc..
7- めんそーれ Mensore, yakitori
Et enfin, le dernier, Mensore (qui signifie « Bienvenue » en dialect d’Okinawa – je suppose que le propriétaire, vu sa tête atypique est originaire d’Okinawa) vous propose des yakitori (brochettes en tout genre, non ce n’est pas parce que le mot signifie littéralement « poulet grillé » que vous ne mangerez que du poulet grillé).
J’ai fait mon reportage bien trop tôt pour saisir la véritable ambiance nocturne de ce lieu mais si vous croisez ce panneau lors de vos déambulations dans Hiroshima, n’hésitez pas à y faire un tour. C’est aussi vraiment très rare de trouver dans un même lieu un tel échantillon de cuisines japonaises.
Ganko Yatai : 3-8 Yagenbori, Naka-ku, Hiroshima
Xavier
août 01, 2015
Bonjour! J’adore vos articles que ce soit les choix de sujets abordés, votre style ou la mise en page!
Je constate que vous n’avez pas mis à jour votre blog depuis un petit moment et j’espère que cela ne signifie pas son arrêt définitif! En tout cas sachez que je le consulte régulièrement et que j’ai lu l’ensemble du site avec beaucoup d’enthousiasme même si c’est le premier commentaire que je laisse (et je ne pense pas être le seul dans ce cas!). Au plaisir de vous relire dans le futur!
Judith Cotelle
août 03, 2015
Merci beaucoup !
Non ce n’est pas un arrêt définitif, j’ai été occupée avec d’autres choses mais je compte bien m’y remettre !
Les encouragements font toujours plaisir quand on se demande si son blog intéresse les gens où non, alors encore merci !