Le restaurant 荒井屋 (Arai-ya) a ouvert ses portes le 1er Décembre 2014 dans le quartier de 袋町 Fukuromachi. Bien qu’à 2 pas de chez moi, je n’ai pas pu m’y rendre la première semaine, mais j’avais déjà pu voir quelques photos postées par des amis sur les réseaux sociaux, et j’ai été immédiatement frappée par la classe du branding du lieu.
Une charte graphique sobre et épurée mais percutante et efficace, composée d’une dominante de blanc et noir rehaussés d’un rouge vif, qui se décline avec élégance sur tous les éléments : le logo, les menus, le noren (l’espèce de petit rideau) de la porte d’entrée, les panneaux de menus à l’extérieur, l’enseigne, les sous-verres, les paquets d’allumettes, les flyers, les cartes de visite, les tabliers et les foulards du staff.
Ce branding global et maitrisé donne au lieu une identité particulière qui lui permet de se passer de déco superflue. Le mobilier et la vaisselle (soigneusement choisie par Yuhki, le patron) sont simples : Béton, plafond noir, bois clair du mobilier et des poutres et cuir noir des chaises.
L’élément graphique principal est la typographie, une police 明朝体 (Minchō-tai, style Ming) sérif très épaisse et droite, que viennent souligner des cercles et des lignes verticales et horizontales très épaisses. La plupart des textes sont écrits à la verticale. Et les prix sont en chiffres japonais, ce qui ajoute un côté rétro. Le tout donne un aspect un peu journal.
Le logo, lui aussi épuré, s’inspire des 家紋 kamon (emblèmes familiaux ou claniques) et est composé du katakana ア (son « a » comme dans Arai) et de 3 cercles reliés dans la partie inférieure (j’ai imaginé que cela représentait des nouilles de soba et c’est bien le cas, mais nous verront tout cela plus en détail dans les explications du Directeur Artistique qui s’est chargé du branding).
Les photos sont utilisées avec parcimonie, classe et retenue : photos des plats principaux et du chef dans des teintes très chaudes qui viennent donner de la douceur et un sentiment de familiarité, de proximité. Je trouve que la personnalité de Take, que l’on voit sur la photo ci-dessus, ressort particulièrement bien.
Le site internet est en accord total avec la charte graphique du restaurant, et très moderne, ce qui est assez rare au Japon, où les normes actuelles sont rarement respectées.
http://www.arai-ya.com/
J’ai voulu en savoir plus sur le concept de ce restaurant, c’est pour ça que je me suis adressée directement à son propriétaire, Yuhki Arai. Je lui avais soumis mes questions par mail, pensant traduire ses réponses, mais le jour où il m’avait promis de me rendre sa copie, aux environs de 20h30, il m’a contacté pour me dire qu’il ne s’en sortait pas et qu’il préférait qu’on fasse ça en face à face. Je l’ai donc rejoint à Centre Point, le bar de Susu, où il se trouvait à ce moment. Et ce n’était pas plus mal puisque ça m’a permis d’ajouter des questions à la volée.
Je dois préciser que Yuhki est un très bon pote, avec qui on partage un intérêt commun pour la musique, le cinéma, les séries, la fête mais également que nos sens de l’humour s’accordent plutôt bien.
(Les textes en gris sont des notes que j’ai ajoutées.)
Bon alors, pour commencer, est-ce que tu peux te présenter ?
ok, je te fais ça en mode sérieux ou en mode déconne ?
Si tu me donnes le choix, je pense que le mode déconne te correspond mieux mais c’est toi qui vois !
Et ben je suis né à 2 pas d’ici, juste à côté ! (dans le Sud-Est du quartier de nuit Nagarekawa – Yagenbori, c’est-à-dire la partie la moins fréquentable de ce district constitué principalement de bars, restaurants de nuit et établissements interdits aux moins de 18 ans où l’on imagine difficilement une famille résider, mais les Arai habitent une jolie et opulente maison de village où j’ai eut l’occasion de me rendre une fois).
Entre 3 et 5 ans, je passais mon temps dehors à faire le tour du pâté de maison en tricycle !
Tes parents te laissaient sortir comme ça ? Ils ne s’inquiétaient pas ? C’est quand même un quartier un peu craignos..
Nan, pas de souci, je connaissais tout le monde dans le quartier et tout le monde me connaissait. Je disais bonjour à des gens tous les 2 mètres.
J’étais vachement bronzé à l’époque !
Ha oui ?..
Oui, mais c’était pas le soleil, c’était les néons de la ville !
De 18 à 23 ans j’ai vécu à Tokyo. J’étais parti là-bas pour faire des études mais finalement j’ai arrêté très vite. J’ai surtout passé une vie de galère et de conneries. Je suis finalement rentré à Hiroshima et quand ma mère m’a vu tout amaigri, elle m’a dit « bon là, c’est fini les conneries, on va reprendre les choses en main » et là, elle m’a annoncé qu’elle avait le projet d’ouvrir un café à l’européenne dans le centre ville d’Hiroshima, sur Namikidori, le café New York New York. J’étais OK pour l’aider mais franchement au départ je ne me voyais pas faire ça plus de 2 ans. Au final, c’est ma mère qui petit à petit s’est effacée et moi qui ai réellement pris les manettes du lieu.
Alors maintenant, peux-tu nous parler d’Arai-ya ? Nous présenter le type de cuisine, le concept..
C’est un 大衆蕎麦 taishuu soba ( restaurant de soba populaire, accessible à tous. Les soba sont des nouilles de sarrasin) qui fait également izakaya (bistrot ou pub à la Japonaise).
Les soba font vraiment partie intégrante de la culture Tokyoïte, on trouve des restos qui en servent tous les 200m, alors qu’à Hiroshima ce sont plutôt les udon (grosses nouilles de froment) et les ramen (nouilles d’origine chinoise).
Les soba sont un peu ce qui m’a permis de survivre à Tokyo quand je n’avais plus un rond. Je pouvais trouver un bol à 300 yens dans un boui-boui local.
Les soba sont également un plat qui se marie bien avec l’alcool, c’est un plat léger. Les udon et les ramen sont plus des plats que tu manges pour te caler vite fait. Tu avales ton bol (avec une bière) et tu te casses, repu.
Dans une soba-ya, tu peux goûter plein de choses différentes et commander des soba à la fin (ou pas) mais dans tous les cas, c’est assez léger pour laisser de la place à l’alcool (saké, shochu).
Quel type d’ambiance souhaites-tu créer ?
Quelque chose de vraiment moins impersonnel que New York New York (NYNY est un café immense et trendy en rez-de-chaussée avec terrasse, on peut y manger toute la journée et de nombreux touristes ou gens de passage y affluent) ; quelque chose de plus intime, plus convivial, où je me sente personnellement plus décontracté, pas en représentation.
Faut quand même savoir qu’à l’époque où on a ouvert NYNY, les cafés à l’Européenne ça n’existait quasiment pas au Japon et encore moins à Hiroshima. Tu avais le choix entre le lieu super select, où tu dois limite te pointer avec un noeud pap’, ou alors le vieux café à pépé : le kissaten japonais. J’ai fait pas mal de voyages à l’étranger (New York, Hawaï, Australie, Italie, et en Asie : Corée, Hong Kong, Taïwan, Guam) et ça m’a surpris la première fois de voir des familles bien sages avec leurs enfants manger le midi tous ensemble à une terrasse de café dans une ambiance bon enfant. C’était pas du tout ça au Japon, et c’est ce que j’ai voulu ramener.
Quel type de clientèle veux-tu faire venir ?
Comme je l’ai dit, j’ai vraiment pas envie d’un lieu select. J’aimerais voir un mélange de gamins, de pépés et de mémés, une clientèle variée, populaire mais surtout pas que ça devienne un lieu de rendez-vous pour jeunes branchouilles.
Par rapport aux soba-ya habituelles, qu’est-ce qui change ? En quoi ça se distingue ?
C’est un lieu populaire et accessible à tous, pas un lieu classe comme le sont habituellement les soba-ya. Et ça s’exprime déjà à travers le prix de notre bol de soba qui est à 480 yens, alors qu’ils démarrent plutôt aux alentours de 800 yens dans les soba-ya traditionnelles.
J’ai pas envie que les gens se sentent obligés de porter une cravate pour venir, ni même de consommer des soba, y a plein d’autres choses au menu ; la preuve toi tu es déjà venue 2 fois et tu n’en as pas encore commandé ! Tu peux venir pour boire une bière avec un petit truc à grignoter, tu seras accueilli pareil.
Après au niveau du staff. Je veux que mes serveurs soient amicaux, humains, accessibles, pas hautains ni rigides. (Dans les soba-ya habituelles, il n’est pas rare de voir le staff habillé en kimono. L’ambiance est feutrée alors qu’Arai-ya est un lieu un peu plus bruyant, plus vivant.)
Le design est franchement génial ! Qui est le graphiste ? C’est un freelance ou une agence ?
Je suis vraiment content que tu aies remarqué ça !
Le graphiste est un copain d’école primaire, il s’appelle Akasako et oui maintenant il travaille en freelance. Il bosse pour des énormes marques, au Japon comme à l’étranger, il est très demandé. Il bosse pour Softbank (le SFR ou Orange japonais), il crée des affiches de plusieurs mètres de long que l’on peut voir sur les murs des gares de Tokyo, c’est lui qui a créé l’identité du shampoing Tsubaki, ou de la marque de café en cannettes Powered Coffee.
Maintenant, des grandes marques japonaises qui se sentent sur le déclin font appel à son expertise.
L’été dernier, il a été appelé à Hollywood pour faire la DA d’une campagne de pub avec Bruce Willis et Schwarzenegger. Je pensais que c’était une blague au départ mais il a les vidéos des making of, les photos avec Bruce et Arnold dans son bureau.
Ça a toujours été un mec un peu à part, rigolo, super intelligent. Il a jamais rien fait comme les autres. Genre au collège et au lycée on peut choisir son sport. Lui , il a pris le plus ringard qui soit : le Ping-pong !!, mais il assumait total « mais non, le ping-pong c’est la classe suprême ! ».
A l’école, son bureau était juste devant le mien, pour moi ce mec était un génie et moi j’étais un âne. Du coup pendant les examens, quand je savais pas quoi répondre, je donnais un petit coup de pied dans sa chaise, il décalait sa copie pour que je puisse la voir, je pompais tout et au final on avait zéro tous les 2 ! Mais bon, finalement je l’admirais toujours !
Tu avais un cahier des charges précis ? Comment lui as-tu expliqué tes souhaits ?
Je lui ai seulement expliqué le concept de mon resto ; j’ai dit que je voulais quelque chose de simple, sans fioritures, et que les coûts d’impression ne soient pas trop élevés mais que la qualité du papier reste bonne. Je voulais que ça reflète l’image de mon resto, mais après ça, je lui ai fait confiance, je lui ai donné pour ainsi dire carte blanche.
Combien de propositions a-t-il fait ? Y a-t-il eut beaucoup de retours ?
Non le design actuel était sa première proposition, j’ai demandé des petites corrections, mais c’était vraiment des petits détails. Sa première proposition m’a immédiatement séduit.
C’est lui aussi qui crée les visuels des soirées Exercise de Dai de la boutique Routine et du magasin de fixie de Usshi : Charlie.
Habituellement les soba-ya utilisent plutôt une image très traditionnelle, mais Arai-ya est un restaurant à la fois moderne et traditionnel, aussi bien dans la déco du lieu que dans les éléments de branding.
Oui c’est vraiment ce que je souhaitais. Un lieu qui utilise des codes traditionnels mais revisités de façon moderne.
D’après des études, dans le monde, les entreprises qui mettent le design en avant (comme Apple ou tout simplement la ville de Kumamoto avec sa nouvelle mascotte) sont celles qui font le plus de profit. J’ai l’impression que dans tous les établissements que tu gères, tu accordes de l’importance au design. D’où vient cet intérêt ? Je t’ai vu aussi choisir avec soin les pochettes de vinyle pour décorer les murs de NYNY.
Pour moi oui, l’apparence compte et je crois qu’il y a un paradoxe au Japon. Tu vois ces mecs qui deviennent des salaryman, qui ont tout fait bien comme il faut, suivit le parcours idéal, le bon lycée, la bonne fac, et direct le boulot à vie sans justement avoir goûté à la vraie vie. Et après tu les vois avec leur coupe de cheveux ringarde (la fameuse coupe code barre), leur costume de traviole mal ajusté, leurs mauvaises manières, leurs tromperies à 2 francs dans des kabakura pourris (bars à hôtesses), bref leur mauvais goût en général.
Moi j’ai toujours subi l’influence de ma mère, une femme de goût (une femme sublime je confirme). Dans les années 70 au Japon tout le monde écoutait des trucs ringards folks, mais ma mère était à fond sur la Motown ! (célèbre label de soul et black music) Elle a toujours accordé de l’importance à ses vêtements, à la déco de la maison, et aujourd’hui encore, elle juge sévèrement mes coupes de cheveux (allant jusqu’à appeler ma coiffeuse) ou mes fringues.
Tu es également DJ, l’influence de ta mère aussi ?
Oui carrément ! C’est elle qui m’a tout appris, je joue de la soul, du funk, de la black music… Après ça les gens qui m’ont toujours inspiré sont aussi Susu et Daiji de SleepyEye.
D’après toi quels sont les clés du succès pour un bar ou un resto ?
Pffff.. alors là, aucune idée !!
OK, alors, toi en tant que client, qu’est-ce qui fait que tu aimes un resto et y retournes ou que tu n’y remets plus jamais les pieds ?
Ha ouai, demandé comme ça c’est plus facile ! Alors pour moi c’est l’ambiance, les lieux où les gens y mettent tout leur coeur. C’est plus important que l’image, la déco, le graphisme. Je dirais même que c’est plus important que la qualité de la cuisine.
Est-ce que ça signifie que tu as crées tes propres restos au feeling, sans calcul ?
Mais complètement ! Pour moi c’est la relation avec le client qui prime. En fait je m’étais jamais posées ces questions avant que tu me les poses aujourd’hui. Par exemple je n’aime pas les chefs arrogants, qui t’imposent leur vision de la bouffe, qui veulent que tu dégustes leur plat de telle manière et pas autrement. Pour moi, on est plein de gens différents sur terre, avec plein de manières d’apprécier la nourriture, et tous ces gens sont les bienvenus chez moi.
(Je ne retrouve pas l’article mais j’avais lu l’histoire d’un resto de ramen où le chef exige de ses clients qu’ils avalent d’abord une cuillerée de bouillon avant de manger les nouilles pour ne pas dénaturer sa création. Il demande aux clients ne suivant pas la règle de quitter les lieux.)
Combien d’établissements gères-tu ?
Trois : Le café NYNY, le Burger Shop NYNY et Arai-ya.
Ton nouveau resto porte ton propre nom de famille, comment s’est fait ce choix ?
En fait, c’est pas moi, c’est le graphiste ! Je lui avais apporté plusieurs propositions et il m’a dit « sérieux ? Mais c’est nul ! Tu te vois vraiment ouvrir un resto avec ce nom-là ou celui-ci ?? Mais non, laisse tomber, c’est ton resto, ton concept, mets-toi en avant, utilises ton nom! »
J’étais pas super chaud au début. Tu me connais depuis longtemps donc tu ne t’en rends pas forcément compte, mais même si j’ai l’air d’un mec imposant et sûr de lui, au début je suis super timide, je ne suis pas à l’aise. Je suis pas le genre de mec à me mettre en avant, donc utiliser mon nom me gênait un peu mais il a réussit à me convaincre.
Actuellement tu travailles toi-même en cuisine à Arai-ya, c’est juste pour le début comme lorsque tu as lancé le Burger Shop ou tu vas continuer ?
Non c’est que pour le démarrage ! Au début c’est normal, on fait ça tous ensemble !
Mais honnêtement, je trouve ça épuisant de travailler dans la restauration ! J’aide pour le démarrage puis ensuite je vais commencer à réfléchir à un nouveau projet.
Et puis j’ai pas envie d’être le boss omniprésent, qui contrôle tout. J’ai envie de faire confiance à mon personnel. Je sais que je suis un boss insupportable, qui scanne tout, j’ai pas envie de peser sur mon staff.
Ca c’est l’influence de ton père ?
Hahahahah, ……… vas te faire foutre !! (son père bien qu’homme charmant et très rigolo est connu pour être un homme intransigeant, je l’ai vu lui-même vérifier les moindres détails à Arai-ya dans les premiers jours de l’ouverture. Yuhki est en plus son portrait craché)
Du moment où tu as eut l’idée de ce resto jusqu’à ce qu’il ouvre, ça a pris combien de temps ?
Ca date de l’époque où je vivais à Tokyo. Ensuite y a 5-6 ans, j’ai commencé à y penser plus sérieusement. Mais j’ai commencé à bosser concrètement sur le projet il y a environ 2 ans.
Les soba c’est pas si facile que ça en a l’air, j’ai écumé tous les restos de soba de la ville pour en goûter, j’ai essayé d’en faire, j’ai testé plein de recettes, parfois c’était dégueulasse, mais j’ai continué jusqu’à arriver à ma recette actuelle. C’est comme le pain en France je pense !
Ton staff est principalement constitué d’amis. C’est un hasard ? Un choix ? C’est important pour toi ?
Hmm, c’est un peu un hasard mais il se trouve aussi qu’il y a beaucoup de personnes compétentes dans mon entourage. Et puis Hiroshima c’est petit ! Mais non, je ne compte pas recruter uniquement des amis.
(Miiko qui travaille en salle, et Take son mari, en cuisine, ont travaillé des années dans les Soba-ya de Tokyo. Take est originaire de Tokyo, Miiko d’Hiroshima. Ils sont venus s’installer à Hiroshima il y a 1 an environ, et depuis longtemps, leur souhait était d’ouvrir une Soba-ya ici afin de faire découvrir cette spécialité aux habitants de la ville).
Quels sont les 3 plats que tu recommandes le plus à Arai-ya ?
Haa… attends, c’est pas facile ! Bon, alors les Soba, le poulet grillé au charbon et puis.. Take et Miiko ! haha
Le 地鶏 jidori est un poulet qui a 450 jours au lieu de 60 pour un poulet habituel. Son goût est plus profond mais la chair est également beaucoup plus ferme (trop pour moi, mais on peut commander ce plat avec du poulet normal aussi).
Elles sont fabriquées quotidiennement par « Chef », le cuisinier du Burger Shop.
Un morceau que tu aimes et que tu as envie de faire écouter à mes lecteurs ?
Oui, alors Party Down, de Little Beaver.
Merci pour toutes tes réponses, quelque chose à ajouter ?
Hé ben… Soyez les bienvenus à Arai-ya !
J’ai contacté le Directeur Artistique de l’identité visuelle d’Arai-ya, Hitoshi Akasako qui a accepté de répondre à mes questions par mail. Il m’a donné des explications très complètes et détaillées sur le travail qu’il a réalisé.
Son site personnel est en cours de création et sera certainement prêt à la mi-janvier (http://www.end-tokyo.com/), en attendant vous pouvez voir quelques uns de ses projets sur ce site (qu’il a très peu mis à jour)
Il est né en 1977 comme Yuhki et est originaire d’Hiroshima, mais vie actuellement à Tokyo. Il est rentré dans l’agence Onuki Design en 2006 où il a travaillé sur des projets pour de grandes marques telles que Softbank ou bien la marque de cosmétiques Shiseido.
Freelance à partir de 2010, il fondé l’agence THE END en 2013. Il s’est alors lancé dans la direction artistique de développement de produits, de publicité, de packaging, de graphisme, de spots publicitaires, de sites internets, de lieux et de branding global, couvrant ainsi tous les champs de la com’.
Ses projets récents les plus importants : Le café Powered Coffee, les confiseries Mash Bon de Morinaga. Il a gagné un prix aux TDC Japan Packaging design awards et est membre de la JAGDA (The Japan Graphic Designers Association Inc.).
Voici sa réponse :
La raison pour laquelle j’ai accepté de travailler sur le branding d’Arai-ya c’est surtout parce que son proprio, Yuhki Arai, est un ami d’enfance, depuis l’école primaire. C’est lui qui m’a contacté. Au départ pour être honnête, je n’étais pas sûr d’accepter le projet (lol).
Déjà, j’étais vraiment débordé et je ne savais pas si c’était un projet sérieux mais Yuhki est monté à Tokyo pour me voir, il m’a expliqué ce qu’il comptait faire et j’ai pensé que ça valait le coup.
D’abord, le naming.
Yuhki comptait appeler son resto « Inari-ya ». J’ai trouvé que c’était beaucoup trop commun, trop téléphoné et j’avais peur qu’il s’enferme dans une image qui ne lui correspond pas. Alors je lui ai proposé d’utiliser son propre nom, fièrement. C’est ainsi que le nom « Arai-ya » a été choisi.
Ensuite le logo.
Comme tu l’as très justement remarqué, c’est un kamon (emblème familial japonais) que j’ai créé.
Le nom du resto n’apparait même pas dans le logo ! (lol). C’est un logo simple et épuré. Je voulais créer quelque chose de vraiment efficace et fonctionnel. J’ai aussi pensé que petit à petit, les gens se mettraient à donner au lieu un nom affectueux et intime tel que « Maru-a » (rond-a).
Au Japon les kamon évoquent la tradition et l’authenticité. Mais j’y ai ajouté une touche pop et plus légère, plus décontractée avec ce ア en katakana afin de refléter l’idée de resto populaire et accessible.
Je voulais faire cohabiter l’idée d’une cuisine authentique et de qualité avec celle d’une ambiance pop et moderne.
Comme c’est un resto ouvert récemment, j’ai pensé que donner un aspect trop vieillot risquait de faire fuir la clientèle jeune et que ça ne servait à rien, de toute façon, de donner au lieu un aspect trop authentique uniquement par l’apparence.
Le kamon est d’une certaine manière, ce qui représente le mieux le logotype typiquement japonais. Ca m’a immédiatement semblé être ce qui convenait le mieux pour donner au lieu une image forte, flatteuse, glorieuse et porteuse de succès.
Les 3 cercles du kamon représentent, comme tu l’as bien deviné, des nouilles de soba. Ca peut paraître simpliste mais l’idée était aussi de donner un aspect « fait-main », « artisanal » et également de donner un peu plus de courbe et de douceur au logo, afin de créer un contraste avec les traits droits et angulaires du ア en katakana. Le but était de transmettre de la délicatesse et de la sensibilité. J’ai ajouter de la nouveauté à des codes standards.
Ensuite la typo
Les typo (police de caractère) ont un rôle fonctionnel, dans les menus évidemment, mais elles ont aussi un rôle graphique et décoratif. Elle sont l’élément principal de l’identité visuelle et contribuent à créer l’image du lieu.
La typo principale est de type Minchō -tai, il s’agit de la 黎明 Rei Min.
J’en ai essayé des tas, mais celle-ci à du caractère et un petit côté rétro. Quelque part, elle est assez virile et puissante. Ce n’est pas une typo super classe et hype non plus mais après de nombreux essais, celle-ci m’a vraiment semblé être celle qui convenait le mieux. Elle fonctionne bien avec des traits épais, je trouve que ça donne un résultat assez rigolo.
La chose la plus importante pour moi, c’était de créer un design qui donne faim, qu’on ait immédiatement l’impression qu’on va se régaler. Ca paraît évident quand on crée le branding d’un resto, mais si les clients ne le ressentent pas, même le design le plus branché se révèle être un un échec et dans ce cas-là, le travail du graphiste n’a aucun sens. On doit travailler avec un objectif en tête, un message à transmettre.
C’est la raison pour laquelle, quand j’ai bossé sur le design d’Arai-ya, j’ai bien veillé à être mort de faim, pour me mettre en condition ! (lol).
Et ça s’applique à n’importe quel projet de design. On ne crée pas un élément de com’ pour lui en soi. Derrière, il y a un objectif à atteindre. C’est également le cas pour la pub, pour les sites internet..
Il ne suffit pas de créer quelque chose de joli ou à la mode.
Il arrive même que l’on soit obligé de créer quelque chose de ringard, volontairement. Dans ces cas-là, c’est assez rigolo, c’est un peu comme faire quelque chose contre nature, comme un crime à l’encontre du bon goût mais tout en ayant bonne conscience.
Pour finir, mes travaux à Hiroshima.
Je ne travaille que pour des amis.
Le magasin de disques Stereo Records, Routine (le select shop de Dai Hashimoto, également Dj et organisateur de soirées), Charlie (magasin de fixie et accessoires vélo de Usshi).
Je crée le naming, les logo, les sites web, les éléments de com’ et des produits.
Mais je le fais parce qu’ils sont des amis d’enfance donc c’est une manière pour moi de leur rendre service.
Je pense que le travail réalisé par Hitoshi Akasako est efficace et pertinent puisque ses explications correspondent exactement à l’analyse que j’en avais fait avant même de le contacter, comme vous pouvez le voir dans mon intro.
荒井屋 Arai-ya
Fukuromachi 4-3 Kousei Bldg (sous-sol), Naka-ku, Hiroshima
New York New York Café
Fukuromachi 7-2, Naka-ku, Hiroshima
Burger Shop New York New York
Horikawa-cho 4-17, Naka-ku, Hiroshima
Senbei la nouille molle
janvier 04, 2015
C’est toujours fort joli, bien illustré, mais mon côté ayatollah de la bouffe s’étonne un peu de cette phrase :
« Mokkadokonsui, shochu de soba (seigle) »
C’est du seigle (ライ麦) ou du sarrasin (蕎麦) , au final ? je pencherais pour du sarrasin, personnellement.
Senbei, enculeur de mouches
Judith Cotelle
janvier 06, 2015
ha mais grave ! je suis con, je vais corriger ça (surtout que j’ai bien écrit soba = nouilles de sarrasin plus loin ! merci
J’avais pas vu que t’avais redémarré ton blog, tu devrais mettre les liens sur Facebook !
Laurent
août 28, 2016
Encore un article super intéressant. On saisit le projet dans son ensemble. En plus tu as mis des tonnes de liens et de photos. Remarquable.